Après le Mexique et la France, l’ancien militant gauchiste italien vit désormais au Brésil, où il est réfugié politique depuis décembre 2010. « Face au mur » est son premier roman largement autobiographique, publié depuis qu’il est libre. 

L’OPTIMUM : Comment allez-vous ?
Cesare Battisti : Je suis bon pour repartir.
Au lecteur qui vous rencontrerait aujourd’hui, sans connaître votre passé, comment vous présente- riez-vous ?
Je suis un « noirci » post-soixante-huitard. Un irréductible chercheur de merde. L’acteur malgré lui d’un mauvais film, dont la toile de fond est la pâleur d’un monde qui mange plus que ce qu’il peut chier.
Vous avez passé quatre ans en détention…
Quatre ans et demi d’humiliations, de privations, de massacre médiatique. Je ne suis pas sorti de prison comme un poussin de son œuf, mais plutôt comme un cafard qui s’est échappé à coups de semelle. Mais toujours sur ses pattes, cela va sans dire.
Dans votre dernier livre, vous évoquez plusieurs fois le « sentiment d’alarme ».
Comment le vivez-vous ?
Vu ma situation et ce que j’ai eu à endurer, il serait facile de dire que ce « sentiment d’alerte » est justifié par un instinct de conservation personnel. Mais ce n’est pas le cas. J’étais et je suis toujours sensible au militantisme politique et syndical.
Comment pensez-vous à la France, dorénavant ?
La France est le pays qui m’aime, le pays de mes amours, celui qui a éduqué mes enfants et qui me soutient.
Et à l’Italie ? No comment. Que pensez-vous des femmes brésiliennes ? On promet l’Eden aux touristes ! Mais elles souffrent, aiment, pleurent et rient comme toutes les autres femmes ! Cela a été une vraie découverte pour moi… et une déception pour les touristes [Rires] !
La « classe italienne », ça marche avec les filles, au Brésil ?
La classe italienne, connais pas. Et je ne fréquente pas les dragueurs professionnels.
Où vivez-vous au Brésil ?
Mon éditeur a décidé de m’installer dans un appartement à lui, à Rio. C’est au dernier étage, c’est un logement vide, avec une vue imprenable sur la baie de Guanabara. Je n’ai pas encore eu le temps de me familiariser comme je le voudrais avec la ville profonde de Rio. Mais assez pour envisager maintenant un travail d’intérêt social sur quelques favelas de la « Zona Sul ».
Au début de Face au mur, le narrateur écrit : « Déviation professionnelle, dit-on, mais n’allez surtout pas vous imaginer que je suis si bon dans l’art de la fiction. » Quelles sont vos autres déviations professionnelles ?
Confondre la réalité brute avec la douceur du rêve.
Face au mur est un roman très émotif, mais en apparence assez autobiogra- phique. Avez-vous eu du mal à l’écrire ?
J’ai écrit ce roman en taule, dans une cellule de 12 m2 prévue pour deux, où l’on était parfois dix. Par manque d’espace, on dormait à tour de rôle. 12 m2 : un monde, toute une vie. Qu’êtes-vous disposé à faire pour que le Brésil soit champion du monde de football en 2014 ? Je me fous du football. Le pays qui gagne le mondial donne aux politiciens la chance de continuer à se foutre de la gueule du peuple durant un bon bout de temps. Que pensez-vous de Roberto Saviano ? Qui est-ce, Roberto Saviano ?
 Face au mur, Flammarion, 358 p., 19,50 €. Parution le 7 mars.