N’étant, comme dit l’adage, « jamais mieux servi que par soi-même », une tripotée d’écrivains français contemporains se sont lancés bille en tête dans la grande aventure cinématographique. Le résultat est sans appel : peu de vraies surprises et une brochette de flops.

Samuel Benchetrit

Après deux courts-métrages, l’auteur du Récit d’un branleur s’essaye au long avec Janis et John (2002), trip néo-baba qui offre à ce néo-bobo un joli succès d’estime. Samuel Benchetrit rempile comme réalisateur avec J’ai toujours rêvé d’être un ;gangster (2007), hommage en noir et blanc à la fois à Scorsese, Godard et au néo-réalisme italien. Le four intégral de sa comédie Chez Gino ;(2010) semble avoir mis de côté ses velléités auteurisantes. Au cinéma tout du moins.

Emmanuel Carrère

Diplômé de Sciences-Po, critique cinéma, ;écrivain plébiscité, scénariste ;courtisé, metteur en scène salué… Est à l’intelligentsia parisienne ce que Drucker est aux vieilles filles de province : une forme d’idéal. En 2005, il envoie Vincent Lindon faire son auto-analyse dans la baie de Hong Kong. C’est pour La Moustache que Carrère a écrit, puis adapté en scénario pour finalement le réaliser lui-même. Probablement le plus roué de la bande.

Virginie Despentes

En 2000, la féministo-métalleuseécrivaine- trash s’allie à Coralie Trinh Thi, énième hardeuse qui pense, pour tourner l’adaptation de son roman Baise-moi. Le film se résume à une vadrouille misandre et gore de deux starlettes X. Les critiques de l’époque font grise mine. Après un clip pour Daniel Darc et un documentaire destiné à Pink TV, Mutantes, elle dirige en 2010 Béatrice Dalle et Emmanuelle Béart dans le lesbien Bye Bye Blondie, toujours en attente de sortie.

Bernard-Henri Lévy

Omnipotent, le brushing star du prêt-àpenser hexagonal est parvenu à signer un long-métrage aussi moisi que la France qu’il dénonçait aux premières heures de ses engagements philosophiques. En 1997, sort Le Jour et la Nuit, dérive d’un écrivain vieillissant – campé par un Delon en chute libre – dans un Mexique d’opérette. Aux yeux de tous, excepté son auteur, un nanar fastidieux. BHL s’est mué depuis en va-t-en-guerre pour le compte de Sarkozy. Ce qui, cyniquement, semble lui avoir mieux réussi.

Christophe Honoré

Ex-critique ciné aux Cahiers, prof à la Femis, il écrit tout d’abord pour la jeunesse en abordant des thèmes aussi guillerets que le sida ou l’inceste pour ensuite passer à la réalisation, en 2002, avec 17 fois Cécile Cassard. Adulé par la presse « prescriptrice » depuis les succès de Dans Paris et Les Chansons d’amour, ce qui ne le protège pas de l’éreintant (Ma mère), ni même du pire (Homme au bain). Un peu le premier de la classe, gentiment turbulent et mélancolique chic.

Michel Houellebecq

Prix interallié 2005, La Possibilité d’une île est adapté par Houellebecq en personne – il a déjà à son actif trois courts-métrages. Un film d’anticipation d’un ennui saisissant qui se penche, avec cet esthétisme très « bis » européen des années 1970, sur les sectes, le clonage, la réincarnation. Sur sa participation à l’aventure, dans le rôle de Daniel, l’inextinguible personnage principal, Benoît Magimel a récemment confié à VSD : « Ma femme ne comprend toujours pas ce choix-là. »

Yann Moix

Surtout connu pour ses interventions à baffer dans tout ce que le PAF compte de talk-shows, Yann Moix, écrivain – au choix – nostalgique, pornophile et mitterrandolâtre, adapte en 2004 son propre Podium sur les vicissitudes d’un imitateur de Claude François. Un vrai carton, porté par un Poelvoorde au sommet de son art. Après une brouille entre les deux hommes, le rôle principal de Cinéman, second film de Moix, échoit au malheureux Franck Dubosc. Une crucifixion critique et publique.

Éric-Emmanuel Schmitt

Touche-à-tout de génie (si on se fonde prosaïquement sur la foultitude de succès remportés au fil de sa carrière), le naturalisé belge ne pensait pas faire ;à ses lecteurs une si bonne blague en adaptant, comme un grand, deux de ses livres au cinéma. Et pourtant… Dans le genre pensum gratiné d’un humanisme chevrotant, Odette Toulemonde, avec ce grand rebelle de Dupontel et, plus lacrymal encore, Oscar et la Dame rose se posent là. Comme quoi, les gentils ne gagnent pas toujours à la fin.