Hier symbole repoussoir de la junk food, aujourd’hui icône pop travaillée et retravaillée, le hamburger joue des coudes et s’installe sur les nappes des tables étoilées comme sur le bois des bistrots provinciaux.

Le burger est roi, surtout par sa taille royale. On le sait, elle compte, et pas qu’un peu. C’est aussi grâce à ses dimensions, à son ergonomie, au mouvement mandibulaire que l’attaque de la mâchoire impose alors que l’objet de nos convoitises est calé entre nos mains implacables, que le burger a traversé les époques, les pays et les cultures alimentaires. Devenant au fi l des décennies l’une des figures de cette pop attitude culinaire – née bien avant le blitz warholien traquant l’innocence des images fondatrices de la culture de masse – qui a fait le tour du monde. Du quick, du rapide : le burger, ou l’éloge de la vitesse, d’une boulimie qui colle à l’ombre de son époque. C’est lui, le King de notre ère. Le véritable sprinter, le dénominateur commun de la fast culture. Une nation mondialisée sans frontières ni copyrights douaniers. Une éthique de l’instantané, du plaisir immédiat, sans arrière-pensées. Du prêt-àmanger dont l’idiome – deux tranches de pain d’une douceur quasiment briochée inversement proportionnelle à la mâche juteuse, encore résistante sous la dent, de la viande hachée – a été récupéré, adopté et justement adapté aux quatre coins de l’univers. Modèle masculin aussi aguicheur en éternel féminin – le burger serait-il transgenre ? –, il traverse les sexes, les styles, les formes, les classes. Rallie les masses et les élites. Prend la pose, pratique le grand écart. Marlboro Cowboy ou teen-ageuse en jupette et socquettes blanches, dîners très American Graffi ti ou Exclusive Club triplement étoilé ou pas, le burger est partout à la fois. Toujours mobile, agile, interclasse, il est plus qu’une nourriture céleste pour baby-boomers : le symbole même (avec toutes ses infi nies déclinaisons : burger végétarien, de crocodile, de poisson, macrobiotique ou asian oriented) d’une mobilité sociale hors pair. D’ailleurs, la tentation actuelle pour mieux l’apprivoiser, n’est-elle pas de le sédentariser, de lui ouvrir bien grandes les portes mirifiques des top restaurants ? De l’immobiliser, en somme, avec les honneurs que l’on doit à un gaillard pionnier, toujours d’attaque pour de nouveaux marchés encore à conquérir.

 

FASHION

Dédiée à l’american way of food, la cantine smart de la germanopratine maison Ralph Lauren affiche un spécimen de belle tenue, monté comme un building de Madison Avenue avec tout ce qu’il faut de monde à tous les étages : steak haché juteux made in Colorado (en provenance directe du Ranch Ralph), double tranche de vrai cheddar, salade-pickles-tomatesoignons de première fraîcheur, bacon croustillant et, au top, depuis le patio, en guest star, le ciel de la rive gauche. Fatalement l’affaire lâche chèrement sa peau (27 euros) !

Maison Ralph Lauren, 173, bd Saint-Germain, Paris VIe, tél. : 01 44 77 76 00. Aussi : un tuna burger, un turkey burger et une version veggie.

 

NOT EATING ANIMALS

Vous avez lu le livre de Jonathan Safran Foer (Faut-il manger les animaux ?) et vous caressez l’idée de virer « veggie » mais n’osez pas l’avouer. Peut-être que le Burger de Hillstone vous poussera à faire votre coming out. Une double dose de nature entre deux tranches, un assaisonnement parfait et surtout une sacrée dose de pluralisme végétal. En direct du jardin, tout y est ou presque : de la laitue, des carottes, des betteraves et des cocos, plein d’herbes aromatiques et du fromage suisse plus que fondant. Nota bene : la Worcestershire apporte une amertume en aigre-doux, un acidulé presque pays de l’Est. Mais non, hélas ! ce n’est pas kosher.

Hillstone, 37, Park Avenue South, New York, tél. : + 212 689 1090.

 

ANTI-OMNIVORE DILEMME

Voilà le Pork Bun de David Chang au Momofuku, littéralement le petit pain au lait au cochon. Sauf que le pain n’est pas au lait, mais juste cuit à la vapeur, à la manière asiatique, deux belles tranches de poitrine de cochon couinantes, avec pickles et sauce gluante, glissées dedans. Du chantage gustatif, instantanément addictif. Né par hasard, le Pork Bun est le plat fétiche de Chang-San, star-cuisinier cosmopolite qui a réussi, avec ce « burger »-là offert à ses débuts aux clients pour les faire patienter, la synthèse instantanée de toutes ses cultures : sa Corée natale, la Chine impériale du canard laqué, le New York du fast-food élevé au rang de grand art et le Midwest américain pour l’orgueil carnassier. Sacré tour de force !

Momofuku, 171 First Avenue, New York, tél. : 212 777 7773, www.momofuku.com

 

SUPERSIZE ME

Ils sont fous ces Québecois. Non content d’avoir pris New York par surprise, Hugues Dufour assène à ses clients un burger géant, de la taille d’une pizza XL. Pour le manger, il faut carrément le couper en quartiers, s’en octroyer une tranche renfermant un burger « très mélange » : boeuf et agneau. Succulent, rouge sang, un peu « cannibal feast » sur les bords, c’est l’un des plus politically uncorrect qu’il nous ait été donné de tripoter.

M. Wells, 2 117, 49th Avenue, Queens, New York, tél. : +1 718 425 6917.

 

LUXE

Voilà des lustres que Daniel Boulud, le plus lyonnais des New-Yorkais, a mis au point cette offrande au luxe ultime : le DB Royale Double Truffle, rien que ça. Un burger de boeuf mais dont on n’utilise que le meilleur : la côte. Préalablement braisée, la viande – avant d’être grillée – est malaxée avec de la truffe et du foie gras, pour un bonus de volupté. Voici le modèle haute couture : 130 dollars plus les annexes. Il existe aussi en version low cost dans les bistrots et bars à steaks et saucisses que Daniel le Conquérant a disséminés à travers la Grosse Pomme. Et ailleurs. www.danielnyc.com

 

PALACE

Certes, c’est moins cher que le Black Angus à la plancha (52 €) ou le Jambon Bellota et ses tomates au basilic que l’on pourrait glisser entre deux fines tranches de pain (55 €) mais, tout de même, 36 € pour un hamburger et ses frites au couteau… Est-ce bon ? Hors de prix, divinement surréaliste (cela s’explique, on est chez Dali, la « brasserie » de Yannick Alléno au Meurice), très fi n de siècle et crépuscule de l’Occident mais extra.

Le Dali, 228, rue de Rivoli, Paris Ier, tél. : 01 44 58 10 10, www.lemeurice. com/restaurant-le-dali

 

UN AMÉRICAIN À PARIS

Le plus carte postale aussi. Rien ne change dans ce temple de la bouffe yankee, ni le décor ni (Dieu merci) son hamburger éponyme fidèle à une recette fichtrement rodée. La viande tient du premier choix, la cuisson est saignante de célérité, les pickles en abondance. Pour 14,50 euros, c’est bombance. Il n’y a que les suppléments, les « options », qui nous laissent… sur notre faim.

Joe Allen, 30, rue Pierre-Lescot, Paris Ier, tél. : 01 42 36 70 13, www.joeallenparis.com

FISHY

Un hamburger de poisson ? Pourquoi pas ? D’autant que c’est l’alter ego marin du Pork Bun de David Chang. Un hamburger en guise de tartare de la mer, un hachis au couteau de rouget et rascasse ou autres trouvailles de la criée avec, en saison, des tuiles de tomates confites ou, en hiver, des artichauts frits. En plus, bien sûr, la meilleure mayo du monde, celle dont Cristiano Tomei ne vous révélera jamais le secret, même sous la torture. Un concentré iodé dont on fait une bouchée. Ah ! on oubliait, le restaurant de Cristiano s’appelle « L’Entonnoir », c’est tout dire…

L’Imbuto, Via a Fratti, 55049 Viareggio, Lucques, tél. : +39 0584 48906.

« BOCUSONUSIEN »

C’était l’époque où Ducasse lançait les sandwiches chez BE, Veyrat faisait du Veyrat-Cola en apéro et Adrià ouvrait son fast-food nommé « Fast Good » à Madrid. Bocuse ripostait dare-dare avec Ouest Express, un établissement de restauration adossé au cinécomplexe Pathé de Vaise, à Lyon. Pour le prix d’un paquet de clopes, son hamburger fait toujours dans le didactique : bon pain intégral, remarquable viande hachée (un rien trop cuite, préciser sa cuisson à la commande) et du basilic au lieu de la sempiternelle salade trempée. Un parti pris pas forcément oecuménique de la part du pape de Collonges. On approuve.

Ouest Express Vaise, 41, rue des Docks, Lyon, www.ouestexpress.com

 

BIG MAX

Max, comme Massimiliano, le plus jeune trois étoiles du monde (couronné à l’âge de 28 ans). Mais aussi le burger le plus puriste : une triple dose de viande, piémontaise sinon rien, du ketchup maison, des oignons rouges à peine frits et nappés de balsamique entre deux fines tranches de fromage fondu. Texture parfaite, chaque goût bat à l’unisson. Le burger est présenté ficelé et compressé entre deux longues plaques de bois qui, appuyant sur les demi-sphères de pains au lait, gardent au chaud la viande dans ses humeurs juteuses. Bonne nouvelle : le Big Max n’est pas servi au « Calandre », le 3 étoiles, mais dans l’annexe, « Il Calandrino ». Avec les meilleures frites d’Italie, il ne vous coûtera « que » 25 euros.  Il Calandrino, Via Liguria 1,

Sarmeola di Rubano, Padoue, tél. : +39 049 630 303.