Patrick-lozes

A force d’entendre parler de discrimination positive, Patrick Lozès, à la tête d’un lobby black, s’est décidéà être le premier prétendant d’origine africaine à briguer la magistrature suprême. Un coup d’éclat ou un coup pour rien ?

Votre candidature signifie t – elle qu’il existe un black power français ?

Non. Il y a beaucoup de gens qu’on ne voit pas dans ce pays. Des personnes issues de la diversité mais aussi des jeunes, des familles modestes, des femmes… J’ai l’impression qu’à travers moi, ces invisibles se sentiront représentés. Pour avoir une bonne équipe, la France ne peut pas laisser certains de ses meilleurs joueurs sur le banc de touche.

Justement, parmi les propositions que vous défendez dans votre livre (Candidat : pourquoi pas ?, Ed. du Moment, 2011), il y a la discrimination positive. Quand on regarde ce qui se passe en ce moment dans le football, on se dit que cette notion peut se retourner contre la cause que vous défendez.

Je ne suis pas favorable à la discrimination positive car je ne veux pas qu’on évite la sélection par le mérite. Mais moi, quand je regarde l’équipe de France de ski ou de rugby, je ne me dis pas : « Tiens, il faudrait un quota de Noirs ». Je veux simplement que l’on prenne les meilleurs.

Que pensez-vous de l’argument selon lequel l’équipe d’Espagne joue plus collectif et technique parce qu’elle n’a que des Blancs ?

Il faut qu’on arrête avec cette histoire des Blancs intellos et des Noirs costauds. C’est un non-sens. Je dis simplement que si on veut que tous les enfants partent sur la même ligne, il faut donner plus à ceux qui ont moins.

Pourquoi n’y a-t-il jamais eu en France un candidat d’origine africaine à l’élection présidentielle avant vous ? C’est un hasard ?

Le moment n’était peut-être pas venu. Il fallait que certains débats soient ouverts, qu’une organisation comme le CRAN, Conseil représentatif des associations noires de France (1) s’exprime, et aussi que ces personnes d’origine africaine se demandent ce qu’elles peuvent faire pour la France.

Vous n’avez pas clairement répondu à ma première question. Je vais la poser autrement : aimeriez-vous qu’en France, s’impose un vrai lobby noir ?

S’il s’agit de prendre plus de place dans la société française, de participer à toutes les activités citoyennes, culturelles, oui. Mais s’il s’agit de se regrouper entre nous, ça n’est pas mon truc. Pour peser, on peut se rassembler, mais il faut aussi s’ouvrir aux autres.

Vous avez certains points communs avec Barack…

Lui c’est lui, moi c’est moi !

Certes, mais laissez-moi finir. Vous avez le même âge que lui lorsqu’il s’est présenté en 2008, vous avez tous les deux combattu le racisme anti-Noirs. Que répondez – vous à ceux qui vous présentent comme le Obama français ?

Moi, je m’engage dans une élection française. Le contexte est très différent. Mais sa campagne a prouvé que lorsqu’on aspire aux plus hautes fonctions, on ne peut pas se laisser enfermer dans un débat exclusif sur le racisme. Je compte bien faire des propositions dans d’autres secteurs.

Si Dieudonné voulait vous soutenir, vous lui diriez quoi ?

Je l’ai toujours combattu. Il cherche à instrumentaliser les discriminations dont sont victimes les Noirs pour créer des affrontements et des divisions. Il n’y a aucune chance pour qu’il ait envie de m’aider mais s’il le souhaitait, je ne l’accepterais pas.

Votre coeur de cible, ce sont des dix millions d’électeurs issus de la diversité ?

Je m’adresse à tous les Français et, bien sûr, à cette population, très importante, puisque 10 millions de voix, c’est plus que le score de Ségolène Royal au premier tour en 2007. Mais je sais que ces gens-là ne voteront pas pour moi parce que je suis noir. Ils attendront un discours et un projet dans lequel ils se retrouvent.

Sur un plan personnel, cette candidature va vous obliger à des sacrifices ?

Pendant un an, mes revenus vont diminuer puisque je vais mettre mon travail entre parenthèses. Je contribuerai à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros et je mène aussi une campagne de levée de fonds.

Imaginons que vous arriviez à obtenir les 500 signatures permettant d’être candidat, pour qui appelleriez-vous à voter au second tour ?

La gauche et la droite ne partent pas sur la même ligne. Nicolas Sarkozy avait beaucoup promis sur tout ce qui touche à la diversité en 2007 et il n’a rien fait. Je demanderai donc plus de garanties au représentant de l’UMP après la mauvaise expérience de 2007.

Quel est votre pronostic ?

Je ne pense pas que Marine Le Pen sera qualifiée au second tour. Nous aurons un affrontement classique droite/ gauche. (1) Patrick Lozès a créé le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) en 2005.

 

Questions de style

Plutôt camping ou palace ? Camping, c’est plus drôle.

BHL ou Finkielkraut ? BHL pour ses qualités humaines.

Boutin ou Gay Pride ? Gay Pride sans hésiter.

Pelé ou Cruyff ? Cruyff, j’adore son style.

Rolls ou Jaguar ? Jaguar.

Carla ou Cécilia ? Je laisse ce choix à Nicolas Sarkozy.