hollande

La normalité n’existe pas, explique charles pépin, philosophe. Au niveau philosophique ou psychanalytique, la frontière entre le normal et l’anormal, au sens pathologique du terme, est, au mieux, mouvante, au pire, introuvable car cette notion est paradoxale.» Alors, si l’homme normal n’existe pas, pourquoi est-il sur toutes les lèvres dans les médias, la publicité ou la politique, surtout depuis que François Hollande s’est défini ainsi ?« tout cela n’est pas nouveau, explique Arnaud Dupui-Castérès, président de l’agence de communication politique vae solis corporate. La sémantique était différente, mais cette notion a déjà été utilisée, en 1995, lorsque jacques chirac a profité du courant de sympathie qui le présentait comme « un gars sympa » face à un Edouard Balladur qui avait l’image d’un technocrate et d’un grand bourgeois froid. » en 2012, la tentation de rompre avec l’image de nicolas sarkozy a été le déclencheur du retour de l’homme normal. « François Hollande a surtout voulu affirmer une différence avec le président sortant, précise le spin doctor.

Ses communicants ont mis en avant cette notion comme un contre-positionnement…» Pourtant, très vite, le candidat socialiste a abandonné le mot d’homme normal, sentant que les électeurs n’attendaient pas ça de lui…« Pour les électeurs, je ne crois pas que ce soit une bonne chose de se banal ou superhéros? Présenter comme un ‘homme normal’, précise Arnaud Dupui-Castérès.

Je suis persuadé que les citoyens n’attendent pas d’un candidat qu’il soit ‘normal’. Ils attendent une représentation, un statut, une capacité à assumer des charges lourdes, à prendre des décisions importantes…»

Banal ou super-héros ?

On ne peut donc pas prétendre à la magistrature suprême en étant « normal », au sens primaire du terme. « La normalité est même la fin de la politique, précise le philosophe charles pépin.

Car un chef’ doit viser quelque chose au-dessus de la normalité. En période de crise, certains peuvent être rassurés par ce semblant de normalité, mais pour de mauvaises raisons. Car au contraire, en temps de crise,il faut des hommes extraordinaires…» de plus, comme le disait pascal, « vérité en deçà des Pyrenees, erreur au-delà ». La norme est relative dans le temps et dans l’espace, alors que pour être président, on doit inscrire son projet dans la temporalité, dans quelque chose de durable. Il est évident que nous n’aurons pas un président normal et au fond, c’est une bonne chose. Pourtant chez les politiques, la tentation est toujours forte de se raccrocher à cette « normalité ».

Même Nicolas Sarkozy essaie, lui aussi, de se simplifier. Quand il se rend à son QG de campagne à pied, avec son col roulé fétiche de 2007, il veut prouver qu’il est comme tout le monde. Et tant pis si l’on s’aperçoit vite qu’il a été déposé au carrefour précédent par son escorte et que ses gardes du corps ne s’écartent qu’au dernier moment. Il tient à vendre l’image d’un homme « banal », alors qu’il est vaiment tout le contraire. « on sait tous que les hommes politiques de premier plan sont différents, précise Arnaud Dupui-Castérès.

Et heureusement!» c’est vrai que, en toute objectivité, cela n’est pas rassurant d’imaginer un homme qui ressemble à son beau-frère expert-comptable avec la mallette nucléaire entre les mains. A la tête de l’état, nous voulons un superhéros et la ve république est là pour nous l’offrir, à la différence des autres pays européens qui ont une notion bien différente du pouvoir suprême. « En Angleterre, en Espagne ou en Italie, explique Arnaud Dupui-Castérès, les dirigeants sont des chefs de partis, élus dans une circonscription de 200 000 personnes. Alors que le président de la république française se présente devant 42 millions de personnes inscrites sur les listes électorales. A mon sens, c’est ce qui fait toute la différence. Pour aller chercher les suffrages de 42 millions de personnes et avoir la sensation que l’on va les convaincre, il faut tout de même être un peu particulier, non?»

L’ère du « bon sens » 

Hors de question d’offrir les lambris du palais de l’elysée à un homme comme notre voisin de palier alors qu’il est déjà partout, dans les magazines féminins où certaines lui trouvent même du charme et dans les publicités où l’on nous le présente parfois comme un exemple à suivre. « Dans la pub, ça fait maintenant dix ans qu’on utilise l’homme de la rue qui vend du ‘bon sens’ », dans un genre de ruralité urbaine, pour que le consommateur s’identifie, explique Eric Hélias, publicitaire. Ce concept est à présent complètement usé. L’homme normal est presque le début d’une nouvelle ère, même si c’est plus un concept marketing et certainement pas une réalité car il est évident que l’homme normal n’existe pas.» aujourd’hui, dans la publicité, il y a deux pans de l’homme qui s’opposent : le superman qui va sauver tout le monde et l’homme normal, son pendant rassurant qui ne peut rien faire pour changer les choses. Les deux ne sont pas crédibles et finissent par aboutir au film kick ass, avec un superhéros un peu moisi qui n’a pas de superpouvoirs. Pas vraiment de quoi doper les ventes. « L’homme normal ne peut pas faire vendre car il renvoie à l’homme moyen. Vous imaginez les slogans : un vélo qui roule normalement vite’ ou ‘un blouson qui vous rend moyennement sexy. Ça vous donne envie d’acheter?», plaisante le publicitaire Eric Hélias.

La chance d’être hors norme

L’homme normal n’existe pas, ni pour les penseurs, ni pour les politologues et encore moins pour les publicitaires, alors pourquoi continuer à subir cette mode qui voudrait tuer nos différences et nos singularités?Battons-nous, mes frères, pour que jamais, plus jamais, quelqu’un ne nous demande d’être normaux. « Le but d’une existence est d’être singulière sinon cela ne sert à rien de la vivre, explique le philosophe charles pépin. La singularité s’oppose à la normalité sans être pathologique et donc dangereuse. Etre hors norme, différent, voilà ce qui doit animer chaque homme. Voilà, vous savez ce qu’il vous reste à faire. Pour être un homme heureux, il vous faudra voter pour celui qui vous donnera la chance d’être hors norme. C’est-à-dire celui qui vous offrira le bonheur de n’être que vous. Ce qui est déjà beaucoup. Pour vous accompagner dans cette lutte de tous les instants, face à un monde qui ne recherche que l’uniformisation, faisons nôtre cette phrase du poète cubain, roberto fernandez retamar : « heureux les normaux, ces êtres étranges. Mais qu’ils laissent la place à ceux qui font les mondes et les rêves.