On ne présente pas les Weston. On les porte. Surtout en ce moment. Moelle épinière du dressing idéal, elles sont connues et reconnues, même par ceux qui n’en ont pas, depuis cent vingt ans.

 

Même s’il est toujours possible de ressortir vos vieux classiques, dont la patine ajoute en supplément d’âme voire en valeur vénale, il est vivement conseillé d’investir cet hiver dans l’un des quatre modèles suivants.

1. LES DERBYS « CHASSE »

Malgré quelques addicts, ils sont tombés dans l’oubli. Un malheur qui ne devrait pas tarder à être réparé, tendances obligent. Reconnaissables à leur couture verticale sur le devant, les « chasse», créés dans l’entre-deux-guerres, n’ont plus d’âge. Et pourtant ! Avec ses lourdes coutures le long de la semelle, en fils de lin poissés, au cousu main hérité du traditionnel « cousu norvégien », elles sont pile dans l’air du temps.

A choisir : la version à semelle gomme, encore un peu plus épaisse.

A porter : avec une paire de chaussettes à côtes plates de couleur vive, ou à imprimé fantaisie type jacquard norvégien, sur un pantalon de ville droit et court.

2. LES MOCASSINS « 180 »

Chez Weston, on appelle ça un « modèle culturel ». Qui marque son époque au fer rouge. Objet culte avec déjà deux générations au compteur, récupéré fin 1960 par les minets du drugstore qui les portent pieds nus,puis fin 1980 par les « NAP » (« Neuilly-Auteuil-Passy », NDLR), qui s’en font dépouiller à la sortie de Janson de Sailly. Cette année, on n’est pas loin de rempiler pour un troisième revival, alors que les Penny-Loafers sont de tous les podiums. Diffi cile de croire que le modèle reste inchangé depuis sa création en 1946, ne laissant aux modes que les libertés de son colorama.

A choisir : kaki, lie de vin, bleu marine ou encore l’irrésistible duo bicolore vanille-chocolat.

A porter : pied-nus, avec un denim ou un khaki à revers roulotté.

3. LES « CHELSEA BOOTS »

D’appellation « Cambre » chez Weston, en référence à la perfection inégalée de sa cambrure, elles sont facilement identifi ables à leurs élastiques de côté mais surtout à leur unique couture derrière le talon (qui sous-entend un montage exceptionnel en une seule pièce de cuir).

A choisir : en version gold, beaucoup plus de relief.

A porter : avec un jean brut ou délavé, une jambe dehors une jambe dedans l’air de rien, ou un pantalon tuyau de poêle.

4. LES DERBYS « GOLF »

C’est à leur volume qu’ils doivent leur succès d’estime. Et leur intérêt du moment. Bouts fleuris, en version triple semelle ou semelle gomme, ils en imposent.

A choisir : en version gold, incontestablement la « it-shoe » de l’hiver.

A porter : avec un chino beige ou de couleur vive.

 

LA BANDE DU DRUGSTORE

C’est presque malgré elle que, dans les années 60, Weston devient une marque iconique. Les minets, version vintage des branchés, appelés aussi les blousons dorés, se retrouvent au Drugstore des Champs-Elysées. Venus du XVIe ou de Neuilly, ces play-boys portent vestes cintrées de chez Renoma, chemise Oxford et mocassins Weston piqués à papa. François Armanet écrira un livre puis fera un fi lm sur cette bande du « Drug » qui a lancé la mode du mocassin. Presque un malentendu au départ, puisque ce modèle fait fureur auprès des enfants terribles et des rebelles, encore plus que chez leurs pères. Au lieu de porter ces chaussures habillées et très formelles avec un costume, ils les portent avec un jean et sans chaussettes. Avec leurs Ray-Ban au volant de leur Morris Cooper, ces sales gosses chahutent Weston sans jamais la bousculer. Le début de la customisation chère à la marque.

 

LES ANNÉES BCBG

La Rolls des chaussures connaît une nouvelle heure de gloire au milieu des années 80. Les « bécebèges » se réapproprient la marque, en font une icône du chic de l’époque. Du réseau social avant l’heure. Et Weston devint mainstream, sans stratégie marketing. On s’arrache ses mocassins, ses boots, ses chasse ou ses golf jusque dans les cours des lycées parisiens. Les codes sont stricts : il est fortement recommandé d’avoir dans sa penderie au moins cinq paires de Weston (deux mocassins, des chasse, des golf et des boots). Et pas question de déconner. Les formes et modèles des Weston demeurent strictement les mêmes.

 

POLITIQUEMENT VÔTRE

Dans le même temps, Weston devient la plus présidentiable des pompes. DSK lorsqu’il a été arrêté à New York portait des Weston… Nicolas Sarkozy, qui vient d’en acheter deux paires à New York, comme François Fillon sont aussi des clients réguliers. Giscard d’Estaing a toujours acheté le même modèle qui porte d’ailleurs son nom, le Giscard. Jacques Chirac, lui, est encore aujourd’hui un incontournable fan du moc Weston. François Hollande a-t-il une chance ?

 

GENDARMES ET WESTONETTES

Tous les mollets des gendarmes sont chaussés chez Weston. La maison est fournisseur offi ciel de la gendarmerie nationale depuis 1970, ainsi que de la garde républicaine. 1 800 paires destinées à ces représentants d’élite des forces de l’ordre sortent chaque année des ateliers. Comme les heureux attributai res de ces bottes noires ont droit à une paire tous les deux ans, ils recyclent parfois les précédentes sur eBay où elles font fureur. Avis aux motards ou aux amateurs.

 

120 ANS ET TOUTES SES COUTURES

Comme la maison ne fait rien comme les autres, et chausse aussi bien Leo Fitzpatrick que VGE, elle a demandé au romancier Didier Van Cauwelaert d’exprimer sa vision très personnelle de Weston (dont il est client) dans un OENI (objet écrit non identifié), entre roman et beau livre. Avec des illustrations, il célèbre l’anniversaire de Weston sans passéisme.

 

PERRY EN LA DEMEURE

Michel Perry, directeur artistique de Weston depuis 2000, veille jalousement sur un trésor, des dizaines de modèles créés par la maison, qu’il faut réintroduire au bon moment ou réinterpréter. Un mix très contemporain, pour chausser François Fillon ou le skateur le plus groovy.

 

L’OPTIMUM : Comment passe-t-on des dandys aux bad boys ?

MICHEL PERRY : En allongeant les formes, les silhouettes des chaussures de façon à faire paraître les pieds plus fi ns. Quand je suis arrivé, Weston s’adressait surtout aux dandys version Savile Row, à la Cecil Beaton. On a donné à la marque un twist plus new-yorkais tendance Hamptons ou Kennedy. La deuxième astuce a été de cambrer les chaussures, avec des talons légèrement biseautés, avec le dessin de la cambrure un peu plus cassé. Nous avons également fait des modèles légèrement plus emboîtants, qui viennent au-dessus, pour ganter le pied.

Vous avez aussi accompagné le retour du style preppy cher à Weston ?

On a révisé un peu l’époque eighties, on a repris les formes de l’esprit de la marque, créé un semellage gomme cousu Goodyear et on a mis en place de nouveaux modèles d’inspiration plus contemporaine qui racontent une autre histoire.

Et maintenant, vous customisez les magasins ?

Quand on entre chez Weston, on a envie de se retrouver comme chez soi. La maison revendique son esprit parisien, son style français. Pour rendre son univers unique, on a imaginé les espaces comme des appartements, avec des objets de voyage, des souvenirs. On commence avec les Galeries Lafayette puis ça ira jusqu’à Pékin, notre troisième boutique chinoise qui ouvre fin 2011.

 

LES COLLECTORS

La maison Weston a la curiosité très « open-minded » d’ouvrir ses portes à la création extérieure. Dans les années 90 déjà, Jean-Charles de Castelbajac revisitait pour elle les mocassins en une version si multicolore qu’elle a depuis fait date. Mais c’est à l’arrivée de Michel Perry, début 2000, que l’idée des collaborations capsule prend forme, pour non seulement faire le buzz auprès des médias mais aussi présenter à sa clientèle le service des commandes spéciales. Les projets se succèdent, « Humeurs », « Jalouse », « Kitsuné », rythmant désormais le processus de création maison et accouchant régulièrement de quelques modèles d’anthologie, éditions limitées à vertu collector, comme ces deux dernières.

 

LES MOCASSINS

PAR KITSUNÉ

Rupture de stock annoncée pour les penny-loafers en version peau bicolore gris et crème qui ont cet été fait un véritable carton plein. Issus du projet « J.M. Weston invite Maison Kitsuné », ils s’ajoutent aux autres best-sellers de cette petite collection capsule baptisée à juste titre « East Hampton », aux derbys et bottines reconnaissables à leur semelle gomme couleur brique.

 

LES MOCASSINS

« COUNTRY CLUB »

Encore le fameux « 180 » – décidément c’est son année ! – mais dans une toute nouvelle version à peine arrivée en boutique, au cuir fi nement grainé d’une couleur improbable, une sorte de vert bronze presque noir. Le comble du raffinement, très Années 30 dans l’esprit, à retrouver parmi les quatre modèles d’une collection éphémère pas vraiment collaboration, mais bien capsule, lancée pour les 120 ans.

 

LE BONUS TRACK

Quand la maison Weston rencontre le designer André Saraiva, ils ne se racontent pas que des histoires de chaussures. Quoique… Héroïnes de « The Shoe », leur premier courtmétrage, les mythiques « 180 » décrochent le premier rôle. Un peu comme dans la vraie vie donc. Confessions d’un Weston addict.

L’OPTIMUM :

Fais-tu partie de ceux qui appellent leurs Weston « mes Weston » ?

ANDRÉ : Eh non ! Je dis « mes mocassins ».

Combien as-tu de paires de Weston au compteur ? Une bonne dizaine. Et je les ai toutes gardées. Plus elles sont vieilles, plus je les aime !

Un souvenir de ta première paire ? Plus qu’un souvenir, une réalité ! Je les ai encore. Une paire de derbys marron, surpiqués à l’anglaise, au cuir craquelé par le temps, bien maculé de peinture.

Ta paire du moment ? Mes mocassins « 180 » en box bicolore marron et blanc cassé.

Et la prochaine? Il me manque une paire en croco marron.

La commande très spéciale que tu n’oses pas leur demander ? C’est déjà fait ! Une paire de boots croco avec boucles en or massif.

Et à part Weston ? Toujours du sur-mesure : John Lobb, Pierre Corthay…

Une femme en Weston ? La mienne !

Pourquoi le scénario du vol de Weston ? Une évidence ?

Oui, le référent de toute une époque, la fin des années 80, quand la banlieue commençait à descendre en ville !

Tu les aurais volées, toi, les Weston ? Oui !

Ton prochain film ? Une histoire d’amour.

Un jour un long-métrage ? Oui, j’y travaille déjà.