Entertainment Le 16/02/2016 par Felix Besson

Comment Mark Zuckerberg a sauvé le monde libre

L’heure était grave : Donald Trump était aux portes au pouvoir. Mark Zuckerberg, poussé par ses millions de fans et ses milliards de dollars, devait réagir… Le journaliste et historien Xavier Mauduit anticipe ce qui pourrait bien se passer en 2016.

Par Xavier Mauduit

 

Juillet 2016, Cleveland, Ohio. Sa campagne est terminée, ses adversaires sont terrassés et le monde est terrifié. Donald Trump vient d’être désigné comme candidat républicain à la présidentielle américaine. Dans sa chambre d’hôtel, l’homme à la toison de feu, selon ses groupies, se sert un double whisky. Il allume un cigare Cohiba puis se couvre d’un haut-de-forme. Dans le miroir, cette caricature de capitaliste cabotin et capable de tout l’amuse beaucoup. Ensuite, il se noue un boa de plumes rouges autour du cou et se dandine comme la grande Zoa. Ça aussi, ça lui plaît. Il passe alors dans la salle de bain pour se raser les poils pubiens, son petit plaisir hebdomadaire. La Convention nationale républicaine fut sublime. Une dernière petite touffe. Un spectacle incroyable. Un poil récalcitrant. Il en est sorti vainqueur. Aïe ! La prochaine fois, il fera appel à une esthéticienne.

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Donald Trump n’en revient pas : ces derniers mois ont été hors de toute réalité. Jamais il n’aurait imaginé qu’un pari perdu – qui a la plus grosse, tu parles ! – pouvait le conduire d’une beuverie new-yorkaise à la présidentielle américaine. Quelle aventure ! Ses adversaires républicains ne l’avaient jamais vraiment inquiété. Carly Fiorina ? Une femme ! Ted Cruz ? Un prénom d’ours en peluche hispanique ! Marco Rubio ? Pourquoi pas Fidel Castro ! Jeb Bush s’était grillé tout seul en qualifiant Donald Trump de candidat du chaos : ciao Jeb, les gens semblent vouloir le chaos ! Donald se voit comme « le lièvre à temps » ; il a lu Hobbes mais en diagonale. Peu importe : le Léviathan, le monstre du chaos, c’est lui ! Il pousse un cri de douleur quand la bande de cire chaude est arrachée avec vigueur. D’accord, il a gagné la primaire républicaine mais le plus dur reste à faire.

Chez les démocrates, depuis des mois, Hillary Clinton tenait la corde. ni Martin O’Malley ni Bernie Sanders n’étaient des menaces. Donald avait craint que John Kerry ne tente de nouveau sa chance : Kerry, Kerry, Kerry ! Le candidat des gastronomes en culotte courte ! non, seule Hillary était dangereuse. Donald la trouvait insupportable. Elle se serait appelée Daisy, encore… Hillary était prête à tout, comme lui. Cependant, tout a basculé en juin 2016, lorsqu’elle fut compromise dans un scandale impliquant un Cohiba, un contact inapproprié et un garde du corps au costume tâché. Cette affaire avait ruiné la campagne d’Hillary. Quand Donald apprit l’affaire, évidemment, il a ri. Depuis ce jour, aucun obstacle ne s’opposait à son accession. Il s’était alors offert une petite intégrale à la cire tiède. Malgré tout, une dernière chose le chagrinait. Personne n’avait imaginé l’éviction d’Hillary, d’accord, mais aucun analyste n’avait envisagé un autre rebondissement, le mois précédent : la candidature de Marc Zuckerberg à la présidentielle ! Donald en avait encore la peau irritée.

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Juin 2016, Palo Alto, Californie. Comme chaque matin durant trois minutes, le temps qu’infuse son thé vert, Mark Zuckerberg chante The Star-Spangled Banner en se lavant les dents. C’est dire s’il aime l’Amérique. Il lit ensuite l’ensemble des messages postés sur Facebook pendant la nuit. Voilà des mois que Mark est horrifié par la popularité de Donald Trump. Habituellement, entre milliardaires, on se soutient mais là ce n’est plus possible. Quand Trump s’était attaqué aux Mexicains, Mark n’avait rien dit. Il n’était pas mexicain. Quand Trump avait imité un journaliste handicapé, Mark n’avait pas aimé mais bon, il n’était pas handicapé. Il n’était pas une femme non plus. Il n’était pas homosexuel. Il était juste outré. Quand Trump avait demandé la fermeture des frontières pour les musulmans, il avait décidé d’agir. Mark avait lu Matin brun (1). Il s’était fendu d’un message : « Vous serez toujours les bienvenus ». Les saillies misogynes, homophobes et xénophobes de Donald Trump étaient prisées des médias. Une militante LgbT musulmane et mexicaine, surnommée

M&M’s, avait mis un post d’insultes sur Facebook. Donald ne l’avait pas lu. rien ne pouvait arrêter son ascension. rien, sinon Mark Zuckerberg. Après l’abandon d’Hillary, la menace qui plane sur le monde arbore une coiffure de paille jaunasse mais aucun poil pubien. Jeune papa multimilliardaire et philanthrope, Mark réfléchit à l’action qu’il doit mener. Il a déjà changé le monde une fois, il peut bien recommencer. Il se sert un double thé vert. Il allume une bougie relaxante et se couvre d’un chapeau Vivienne Westwood, le même que Pharrell Williams. Il se plante devant le miroir. Il est ridicule. De toute façon, Mark s’habille toujours de la même manière : tee-shirt gris, sweat à capuche et jean. C’est un choix raisonné pour libérer son cerveau des décisions futiles. Obama procède de même. Mark s’offre ensuite une petite fantaisie : tel le jeune évêque d’Agde qui s’entraîne à bénir devant un miroir dans Le Rouge et le Noir, Mark Zuckerberg s’essaie au salut présidentiel. Diantre, cela lui fait plaisir ! Va-t-il de nouveau réussir à changer le monde ? Peut-être. Il n’est pas le Messie. D’ailleurs, il a toujours été nul en foot.

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Aussitôt après avoir remporté la primaire démocrate, Mark Zuckerberg pense à sa communauté. Pas celle de l’anneau. La Maison blanche ne peut pas être conquise par quatre gnomes aux pieds poilus, deux hipsters, un métrosexuel, un nain et un vieillard. Sa communauté, c’est évidemment celle de Facebook. En cela, Mark Zuckerberg profite d’une nouvelle maladresse de Donald Trump. Paniqué par l’émotion planétaire qu’avait provoquée l’arrivée de Zuck dans la course présidentielle, Donald avait cherché une nouvelle provocation. Qui pouvait-il attaquer pour de nouveau choquer ? Les chatons ! Il ne restait que ça dans sa longue liste de cibles faciles : les mignons petits chatons. Trump s’était lancé dans une violente diatribe contre tous les chatons, même ceux de race blanche ; il voulait fermer les frontières à ces bestioles immondes, suppôts de Satan et, pire que tout, couvertes de poils ! Les chatons subirent alors une pluie d’insultes. Sur Facebook, chatons sous la pluie, ça ne passe pas.

Octobre 2016, CBS. Entre le candidat républicain et le candidat démocrate, la tendance s’est déjà inversée au moment du dernier débat télévisé. Zuckerberg enchaîne les « J’aime » ; Trump n’aime rien. Pour Zuckerberg, tout est partage, amitié et discussion. Pour Trump, les chatons chinois de Syrie sont responsables du réchauffement islamique. Les deux candidats pensent trouver un terrain d’entente sur la notion de « mur ». Ils se rendent vite compte de leur désaccord : pour l’un, le mur est fait de partages et de commentaires ; pour l’autre, il est couvert de barbelés et de tessons de bouteille. D’évidence, le débat tourne en faveur de Zuckerberg quand il explique sa décision de donner 99 % de ses actions à une organisation caritative en faveur de l’enfance et l’éducation. Il a créé cette fondation avec Chan, sa femme, sa colistière, au moment de la naissance de leur fille Maxima, en décembre 2015. Zuck annonce que s’il est élu, tous les citoyens seront ses enfants. gros succès. Trump enrage. Il hurle que l’éléphant républicain va écraser l’âne démocrate. Pour illustrer son propos, il sort les poches de son pantalon et beugle : « Tiens, p’tit con, Trump va te montrer la trompe de l’éléphant ! » Puis il se ravise, se souvenant du pari stupide qui l’avait conduit jusqu’ici. Le 8 novembre 2016, l’Election Day fut un jour de gloire pour Zuckerberg.

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Janvier 2017, Washington DC. Mark Zuckerberg est le 45e président des Etats-Unis d’Amérique. Pour son investiture, le président Zuckerberg porte un tee-shirt gris, un sweat à capuche et un jean. Il s’apprête à prêter serment sur Le Guide du voyageur galactique, de Douglas Adams, la bible des geeks. Il jure de défendre les Conditions générales d’Utilisation et les règles de confidentialité. Maintenant qu’il est président, il va pouvoir profiter de la masse de données collectées sur Facebook. Pourquoi ne pas coupler son fichier avec celui de la Social Security Card, avec celui des permis de conduire et celui de la Passport national Card ? Il fait le rêve qu’un jour, sur les collines rousses de géorgie, les profils likés de Facebook et ceux de Tinder pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Il imagine déjà la création d’un ministère de la Vérité. Il se dit qu’installer un télécran dans chaque foyer serait une bonne idée. Mark a lu Orwell en diagonale. The United States Marine band le tire de ses rêveries quand la fanfare militaire entonne Get Lucky. Quelques blanches colombes sont lâchées dans les airs, aussitôt dégommées par les obusiers du 3e régiment d’infanterie des Etats- Unis : elles avaient été confondues avec les pigeons bleus d’un autre réseau social. Pour l’hymne américain, obama avait choisi Beyoncé. De son côté, Zuck préfère Zucchero et Zouk Machine : Ka sa yé misyé bobo, O say, can you see by the dawn’s early light ? Sur les marches du Capitole, The Star-Spangled Banner retentit. Par réflexe, président Zuckerberg cherche sa brosse à dents. Au même moment, chez un sordide tatoueur new-yorkais, Donald Trump fait graver sur sa peau épilée : On ne peut pas avoir 500 millions d’électeurs sans se faire quelques ennemis. Le monde a changé. God bless America.

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