Entertainment Le 08/02/2017 par Felix Besson

Fashion industry : la nouvelle ère

Au cour des mois derniers, les portes des grandes maisons ont claqué. Raf Simons, Alber Elbaz, Stefano Pilati .. les grands directeurs artistiques ont dit stop, dénonçant des rythmes de plus en plus effrénés, un étouffement de la création telle qu’on la connaît et une course à la consommation entraînant un besoin de changement encore plus fréquent. Le monde de la mode flirte avec l’autodestruction. Pourtant, certains coups d’éclat semblent avoir fait réfléchir maisons et clients sur leur façon de consommer, malgré un rouage difficile à stopper. Lumière sur la mue annoncée d’une communauté aux habitudes bien ancrées.

Par Félix Besson

 

Le phénomène des six collections par an bat son plein sur les podiums de New York, Londres, Milan et Paris. Chanel et ses deux collections prêt-à-porter, ses deux collections haute-couture, une croisière, une pré-fall nommée « Métiers d’Arts », remporte le palmarès de la grosse cylindrée créative avec six présentations annuelles à son actif. S’en suivent les principaux compétiteurs : on citera Dior, Louis Vuitton, Gucci ou Ralph Lauren, chez lesquels s’ajoute une ligne masculine, donc deux collections supplémentaires chaque année. A force, grand public comme pro de l’industrie s’y perdent. De nombreux designers sont plus occupés par le respect du délai que par l’attention apportée à leurs collections, dont les croquis partent déjà en production avant le jour du défilé. Un rythme infernal qui laisse peu de place au répit et à la réflexion créative.

Le tableau devient presque macabre avec le départ de Raf Simons de la maison Dior, en octobre 2015. Dans les ateliers du 30 avenue Montaigne, on chuchote que le créateur belge aurait perdu le fil tant la cadence était rythmée. S’en suit son confrère Alber Elbaz, lequel, après un désaccord avec la propriétaire de la maison Lanvin, aurait stoppée net leur collaboration vieille de 14 ans. Scénario identique pour le trio de designers menswear qui ont, le même jour, quitté leur poste respectif (Brendan Mullane chez Brioni, Stefano Pilati chez Zegna et Alessandro Sartori pour Berluti). Même rengaine toujours pour les plus petits créateurs, qui eux déposent le bilan. Jonathan Saunders ferme sa maison, Kris Van Assche suit le mouvement pour se recentrer sur sa collaboration avec Dior Homme, Reed Krakoff stoppe son activité du jour au lendemain. C’est plus qu’une vulgaire secousse qui sévit dans le mercato mode, c’est un véritable crash boursier. Et le constat est sur toutes les lèvres : l’avenir est plus incertain que jamais.

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Cependant, depuis quelques semaines, trois grosses pointures de la mode revoient leur définition de plan de collection, et proposent une alternative à contre-courant. Burberry, où les directions artistique et générale sont assurées par Christopher Bailey, annonce non sans surprise une mini-révolution de son planning des défilés : passer de quatre shows annuels à seulement deux, dans lesquels la mode homme et femme sont mélangés. Clou du spectacle : les pièces seront disponibles directement après le défilé en boutique, contre six mois d’attente avec le circuit actuel. On assiste également à une refonte de l’ensemble des lignes de la marque, qui en comptait trois (Burberry Prorsum, Burberry London et Burberry Brit) en une seule et unique : Burberry. Comportement de recentrage adopté également chez Paul Smith, où on ne gardera que deux des quatre lignes existantes qui mêleront homme et femme. De l’autre côté de l’Atlantique, les projecteurs sont braqués sur Tom Ford, qui continue de ne rien faire comme tout le monde. Après l’annulation à la dernière minute de son show new-yorkais initialement prévu le 18 février, le big boss de l’allure made in America annonce que celui-ci sera reporté en septembre. Et, comble de la surprise, ladite collection sera en vente une fois la présentation achevée. Un écho qui n’est pas sans rappeler la décision prise par la maison Burberry quelques jours auparavant.

Mais, au final, quelles sont les motivations et les enjeux de ce changement? Deux axes principaux se dégagent. Le premier est plus une question d’image : en dédoublant les collections, les labels diluent la cohérence de leur ADN, et prennent parfois un mauvais tournant esthétique qui a pour conséquence de décrédibiliser la marque. On peut illustrer ce problème par l’arrêt de la ligne D&G en 2011, volonté des deux fondateurs de recentrer l’attention sur la main line, Dolce & Gabbana. C’est également une solution pour concentrer le processus créatif sur seulement deux évènements annuels, et de laisser plus de liberté au directeur artistique. Deuxième axe, plus financier celui-ci : fusionner toutes les lignes en une seule réduit drastiquement les coûts de fabrication, de communication, de commercialisation ainsi que les frais annexes qui s’ajoutent au fur et à mesure du processus de production. Une volonté de retour aux fondamentaux de la part des cadres dirigeants des grandes maisons, mais aussi l’envie de toucher encore plus près le consommateur : l’unique collection sera produite suffisamment en avance pour être vue en premier par les acheteurs et journalistes, photographiée ensuite pour la campagne de publicité, laquelle sera lancée en même temps que le défilé, relayé dans le monde entier sur les réseaux sociaux. C’est toujours le même jour que la collection sera disponible en boutique ainsi que sur le e-shop de la maison. Un mode de fonctionnement complètement inédit, presque effrayant tant il diffère de celui en place depuis les années 60, mais qui accuse un fort potentiel autant médiatique que commercial. L’arrivée d’une nouvelle ère, sans aucun doute.

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