Entertainment Le 19/11/2015 par La rédaction

Les DJ, nouvelle lubie de Las Vegas

Hier, les casinos faisaient les yeux doux à Céline Dion ou à David Copperfield. Aujourd’hui, ils paient des fortunes aux DJ. Pourquoi ? Parce que les sites de jeux en ligne ont vidé leurs salles et qu’ils ont besoin d’un nouveau public…

Par Rex Weiner, traduit par Mathieu Cesarsky

 

Les grandes eaux de l’hôtel Bellagio, synchronisées pour la première fois sur de l’EDM, ont commencé le 17 septembre, sur une musique de Tiësto, le troisième DJ le mieux payé du monde selon Forbes (avec Avicii). Cette célèbre fontaine, qui attire toujours les regards des touristes arpentant le Strip, est habituellement accompagnée de morceaux des vétérans de Las Vegas  : Elton John, Céline Dion, Frank Sinatra, et du saint patron de la ville, Elvis. Désormais, ce spectacle nocturne va devenir Maximal Crazy au son de trois chansons du dernier album de Tiësto, A Town Called Paradise, influencé par Las Vegas.

Ce n’est que le dernier exemple de la conquête de la Ville du péché par l’EDM. Bien loin des énormes clubs à ciel ouvert d’Ibiza ou des raves dans les usines désaffectées de Manchester, c’est désormais à Las Vegas que les plus grands DJ d’EDM jouent dans les plus gros clubs chaque soir de la semaine. On le voit tous les soirs dans les night-clubs de la ville : les filles sexy font la queue devant le Marquee, le XS Club ou le Hakkasan, dans l’espoir de danser sur les sets de David Guetta, Avicii, Skrillex, Steve Aoki, et l’omniprésent Tiësto. Les « physios » VIP observent la foule, ignorent la file d’hommes et leurs faux mohawks, pour choisir deux ou trois des plus jolies filles, qui sont venues ensemble d’une petite ville de l’Indiana.

« Des mecs à l’intérieur veulent que vous les rejoigniez, leur disent-ils. Vous rentrez gratuitement, et c’est eux qui paient les boissons. » Tout enserrées dans leurs petites robes noires, les cheveux permanentés comme une frisée aux lardons, les jambes chancelantes sur des talons impossibles, les filles passent la corde de velours pour pénétrer l’essaim de corps qui réagissent aux sons mixés par les DJ sur leurs platines. Les jeunes hommes désireux d’entrer paieront, quant à eux, 150 $ pour ce privilège.« Oui, c’est injuste pour les garçons, reconnaît CeCe, une “physio” VIP employée par différents clubs de Vegas, mais c’est comme ça. » Une table au fond vous coûtera 1 000 $. Plus près du DJ, ça monte à 10 000 $ et plus. La bouteille de vodka Grey Goose ou de Cîroc (la marque de Diddy) est vendue 1 000 $, sans compter le pourboire à CeCe.

Et tout cela dans le Nevada, le troisième Etat le plus touché par le chômage de tout le pays. En fait, l’EDM se caractérise par l’excès, et c’est d’autant plus évident au bien nommé XS Club, un espace de 1 487 m² au sein de l’ultra-luxueux Wynn Hotel. Tiësto est un habitué des platines, tout comme Skrillex, Zedd et David Guetta. C’est aussi au XS qu’on sert le « Ono », un cocktail à 10 000 $. Servi dans une flûte incrustée de diamants, c’est un mélange du très rare cognac Rémy Martin Louis XIII Black Pearl (99 999,99 $ la bouteille) avec du champagne Charles Heidsieck 1981, du jus d’orange fraîchement pressé, une goutte de nectar de rose Sence (48 pétales de rose dans chaque bouteille de 250  ml), et de la purée d’abricot.

Les buveuses d’Ono reçoivent un collier d’or blanc 18 carats serti d’une perle noire de Tahiti estampillée du logo du XS. Les hommes qui en commandent se voient offrir une paire de boutons de manchettes en or 18 carats gravés du logo XS. Mais qui a les moyens pour ça  ? «  C’est souvent des mecs de San Francisco, qui travaillent chez Facebook ou Google, qui veulent faire passer un bon moment à leurs clients ou à leurs meilleurs employés, répond CeCe. Tout ça a commencé il y a environ quatre ans. » L’expansion de l’EDM à Las Vegas s’est faite en parallèle avec le boum des sites Internet dans la Silicon Valley et la baie de San Francisco.

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Pour capitaliser sur la nouvelle fortune des milliardaires du Net, des entrepreneurs de l’industrie musicale comme Robert Sillerman, le fondateur de Live Nation, ont relancé SFX Entertainment comme un conglomérat coté en Bourse spécialisé dans l’EDM. SFX a investi près de un milliard de dollars pour étendre ses propriétés liées à l’EDM et faire l’acquisition de promoteurs régionaux et de festivals comme Rock in Rio, Electric Zoo ou Tomorrowland, en Belgique, ainsi que de deux opérateurs de boîtes de nuit à Miami et de Beatport, un service de vente de musique en ligne orienté electro. Quant à Live Nation, la société a racheté Cream Holdings, promoteurs internationaux des Creamfields Festivals, qui programment les plus grands noms de l’EDM comme David Guetta, Skrillex, Tiësto, Swedish House Mafia, deadmau5, Afrojack, LCD Soundsystem, Paul van  Dyk et Calvin Harris.

Des marques de boisson telles que 7 Up, Red Bull, Heineken et Anheuser-Busch sponsorisent les événements EDM de Las Vegas en faisant figurer des DJ comme Tiësto dans leurs campagnes marketing. Ainsi, le manager d’Avicii, Ash Pournouri, a récemment déclaré au Miami Herald que la dance en était au même stade que le hip-hop au début des années 2000. « Dans peu de temps, les gens se rendront compte des sommes d’argent qui transitent par cette scène, et à quel point elle est énorme, bien qu’elle ne soit pas encore complètement commerciale », affirme-t-il. Certaines estimations évaluent le marché de l’EDM à 6,2 miliards de dollars par an. C’est le genre de son que Las Vegas aime entendre.


Las Vegas en chiffres

30 millions de dollars de gains pour David Guetta, DJ résident au club XS

28 millions de dollars de gains pour Avicii, DJ résident au club XS

28 millions de dollars de gains pour Tiesto, DJ résident à Hakkasan

700 millions de dollars de revenu liés aux performances des DJ de Las Vegas en 2013


 

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