« L’Optimum » a vécu le Grand Prix de France, sur le circuit du Mans, dans les coulisses de l’équipe française Tech3, meilleure écurie privée du championnat du monde MotoGP depuis quatre ans. Récit d’un week-end de course en forme d’abécédaire.

 

À FOND

Osons-le : de tous les sports mécaniques, la moto de vitesse, et particulièrement la catégorie reine MotoGP, est la discipline qui offre le spectacle le plus impressionnant. 17 pilotes au départ, des bagarres homériques, des prises d’angle défiant les lois de la physique, des motos en glisse… : époustouflant ! En comparaison, la Formule 1 apparaît souvent bien morne.

 

BISBILLE

Particularité du box du team Tech3, il est séparé en deux par un « mur ». Mésentente ? Non point, comme l’explique un membre de l’écurie : « Ça remonte à 2008. Edwards et Toseland, les pilotes de l’époque, ne se parlaient plus car l’un avait “piqué” le chef mécano de l’autre. On a donc trouvé ce subterfuge, et on l’a finalement gardé car ça permet aux mécanos de rester concentrés sur “leur” moto, même quand l’autre revient abîmée après un crash. »

 

CAL CRUTCHLOW

Venu du Superbike, le pilote britannique âgé de 25 ans intégré comme rookie au team Tech3 impressionne. Hervé Poncharal, patron de Tech3 : « Tout le paddock est bluffé par ses perfs, alors qu’on aurait pu s’attendre à une transition difficile. Avec un tel pilote, on vapouvoir se frotter aux équipes usine. Et on l’a signé pour deux ans ! »

 

(IL) DOTTORE

Alors qu’il a gagné avec Honda et Yamaha, le nonuple champion du monde (dont sept titres dans la catégorie reine) Valentino Rossi a rejoint Ducati pour tirer le meilleur de la Desmosedici. Après un début de saison difficile, la troisième place au Mans d’« Il Dottore », véritable star du paddock, aura suscité de beaux espoirs pour la suite.

 

(COLIN) EDWARDS

Agé de 37 ans, le Texan vit sa dernière saison en MotoGP, au sein d’un team Tech3 qu’il apprécie : « C’est la meilleure équipe que j’aie connu. Il y a un noyau solide, et pas de problèmes d’ego. » Un pilote d’expérience, fin metteur au point, qu’Hervé Poncharal est heureux de voir endosser le rôle de « professeur » pour son coéquipier Crutchlow. Edwards : « Cal et moi en sommes à des stades différents de nos carrières, il grandit encore. » Hors-circuit, l’Américain se revendique comme un « family man » : « Je connais ma femme depuis vingt ans, j’ai trois enfants, ma famille est ma vie. »

 

FREINS

Les disques sont en carbone et pèsent moins de 800 g. Inconvénient : ils sont inefficaces sous la pluie, car le contact de l’eau fait baisser trop rapidement leur température idéale de fonctionnement (450 à 670°). Ils laissent alors leur place à des modèles en acier, plus lourds de 400 à 600 g.

 

GUY (COULON)

Avec sa longue tignasse bouclée, le directeur technique de Tech3 est l’une des figures mondialement connues du paddock. Hors-circuits, il trouve encore le temps de créer des motos : à son actif, il y a notamment un incroyable proto 6 cylindres entièrement « fait maison » ! Grand amateur de magret de canard, également.

 

HERVÉ (PONCHARAL, PATRON DU TEAM TECH3)

Il dirige l’équipe française qui tient tête aux teams officiels : un sacré défi ! « Nous sommes une équipe française avec des partenaires internationaux, explique-t-il. Et ce qu’on recherche avant tout, c’est la performance. Bref, difficile pour nous de revendiquer une “french touch”. Si nous avions Vuitton ou Hermès comme partenaires, cette “french touch” serait plus marquée, certes. Mais il me tient à coeur de montrer qu’on peut être compétitif en étant en France. Aujourd’hui, on souffre d’un certain pessimisme. De l’étranger, on a tendance à voir les Français comme des gens qui n’aiment pas la prise de risque. Or, des petites PME impliquées dans le sport comme la nôtre veulent démontrer le contraire. On peut faire des choses en France, la preuve… »

 

INVENTAIRE

Dans le camion Tech3, une caverne d’Ali Baba mécanique : « On a quelque 10 000 petites pièces en stock dansle camion », détaille Eric Rebmann, le responsable de l’approvisionnement. « Chaque pièce consommée, même la plus petite, il faut la noter. Pour la boîte de vitesses, dont la définition même change le caractère de la moto, on emporte entre 800 et 1 000 pignons sur chaque GP. »

 

J’AI MAL AUX CHEVEUX…

Si les courses ont lieu le dimanche, la fête démarre dès le vendredi. Des dizaines de milliers de motards déferlant de l’Europe entière s’installent pour une ou deux nuits « à la dure », et la bière coule à flots. Résultat : des réveils difficiles. Le dimanche, nombre de motards ronflaient dans l’herbe pendant la course…

 

KANGOUROU

Les combinaisons des pilotes sont constituées de cuir de kangourou, matière aussi fine que souple. Mais chère : dans le commerce, compter 1 500 € pour le prix de base.

 

LITRES AU 100

En course, une MotoGP consomme environ 15 l aux 100, soit un rendement bien supérieur à une moto de série. Guy Coulon : « Entre les traitements anti-friction internes et une gestion moteur très poussée, on fait des efforts très supérieurs à la série. Pour les constructeurs, la recherche en compétition permet d’améliorer les produits du commerce. »

 

MONSTER (ET LES MONSTER GIRLS)

Sponsor-titre du Grand Prix de France, la boisson énergétique américaine, qui vend plus de dix millions de canettes chaque annéeen France, est l’un des principaux partenaires de l’écurie Tech3. « C’est une équipe très compétitive, mais elle garde un côté familial et convivial. Ça correspond à nos valeurs. », explique Stéphane Munnier, patron de la marque pour la France. Parmi les ambassadeurs de la marque, on trouve aussi Valentino Rossi (cf. Il Dottore) : « Un pilote performant, avec de la personnalité et un réel charisme. C’est un showman. »

 

NIVELLEMENT

Guy Coulon, directeur technique Tech3 : « Depuis dix ans, les plus gros progrès concernent les suspensions et surtout la gestion moteur, c’est-à dire l’alimentation et les aides au pilotage (anti-wheeling, contrôle de traction, gestion du frein moteur). Sans ça, une moto serait très diffi cileà piloter sur la durée d’une course. La fatigue augmenterait le risque d’erreur. Mais attention, ça ne change rien à la hiérarchie des pilotes. »

 

O.J. (OLIVIER JACQUE)

En l’an 2000, le pilote français a apporté à Tech3 le titre de champion du monde 250. Un final époustouflant, entré dans la légende de la moto, puisque le Français avait devancé son coéquipier Shinya Nakano sur le fil dans la dernière ligne droite du dernier GP de la saison.

 

PASTA

Avant la course, le plat favori des pilotes reste les pâtes à la sauce tomate. Chaque week-end de course, les cuisiniers de l’hospitality Tech3 préparent en moyenne 30 kilos de pâtes.

 

QUATRE-VINGT-HUIT MILLE SPECTATEURS

Le GP de France a battu tous ses records d’affluence. Une véritable fête populaire.

 

RANDY (MAMOLA)

Quatre fois vice-champion du monde 500 dans les années 80, connu pour son sens de l’attaque et ses capacités à rattraper sa moto dans des situations désespérées, le Californien reste très impliqué dans le milieu. Durant le week-end de course, on le voit passer d’un box à l’autre, discuter avec les pilotes, donner des conseils : « Je cours toujours, mais dans la tête. »

 

STARS (SLASH, CHANTEUR PRODIGY, SÉBASTIEN LOEB)

Croisés dans le paddock au Mans : le guitariste Slash (ex-Guns N’Roses), le chanteur de The Prodigy Keith Flint, ou Sébastien Loeb, qui a fait l’aller-retour en avion dans la journée avec quelques amis.

 

TECH3

Basée à Bormes-les-Mimosas (Var), l’équipe française est la meilleure écurie privée duchampionnat du monde MotoGP depuis quatre ans. Son budget annuel s’élève à environ 8 millions d’euros, somme qui couvre les salaires des pilotes et des 40 salariés, la technique et les pièces, et les déplacements pour les 18 GP à travers le monde.

 

U

C’est la forme du virage de la Chapelle, en fort dévers, que les pilotes passent en grappe et qui est souvent le théâtre de dépassements spectaculaires, le coude frottant parfois le bitume.

 

VICTOIRE

Au Mans, c’est l’Australien Casey Stoner (25 ans) qui l’a emporté sur sa Honda Repsol. Pronostic de Colin Edwards avant la course : « Il va gagner avec dix secondes d’avance. » En fait, ce sera exactement 14,214 secondes, devant son coéquipier Dovizioso (Honda) et Rossi (Ducati).

 

WATTS

230 ch pour 150 kilos : le rapport poids-puissance d’une motoGP s’établit à 0,6 kg/ch… contre 2,4 kg/ch à une Ferrari 458 Italia.

 

X

Monster girls… YAMAHA Que l’on ne s’y trompe pas : les seules pièces communes de la Yamaha YZR M1 de Colin Edwards avec une moto de série sont les poignées, identiques à celles des R6 et R1. Cal Crutchlow utilise des Renthal.

 

ZÉRO (POINTÉ)

… A l’organisation du circuit ! Comme des milliers d’autres automobilistes, votre serviteur a ainsi attendu 2 heures 45 en plein cagnard avant de pouvoir gagner l’autoroute. Un évènement défi nitivement taillé pour les motards, donc.

En savoir + : www.motogp.com, www.teamtech3.fr