Tag Heuer n’en fi nit pas de faire le tour du cadran depuis 150 ans. L’horloger suisse qui fait la course en tête question chrono, poursuit sa lancée sur des chapeaux de roue.

En 1916, Heuer inventait le « Mikrograph », un chrono précis au 1/100e de seconde. Depuis lors, le destin de la maison est lié à la vitesse – des avions, mais surtout des automobiles. Son esprit sportif de précision a donné naissance par le passé aux lignes « Monza », « Carrera » ou encore « Monaco ». Steve McQueen, Ayrton Senna ou encore Lewis Hamilton ont porté des Tag Heuer à leur poignet. Aujourd’hui encore, l’histoire s’écrit sur les circuits, comme lorsque notre équipe a testé l’Audi R8 LMS dont Tag est partenaire.

À L’ATTAQUE

Il y a des rendez-vous qu’on ne raterait pour rien au monde. Pour L’Optimum, l’un de ceux-ci avait lieu l’après-midi du jeudi 22 septembre, sur le circuit de Magny-Cours dans la Nièvre. Nous y attendait en effet l’Audi R8 LMS du Team Audi France – avec pour partenaire principal la maison Tag Heuer – celle-là même que pilotent David Hallyday et Stéphane Ortelli dans le championnat GT Tour. Notre délicieuse mission : effectuer quelques tours au volant sans casser l’auto – qui pointait alors en troisième position du championnat, avec encore une épreuve à courir – ni paraître trop ridicule aux yeux de notre (suicidaire ?) accompagnateur William David, pilote chevronné (poleman aux 24 Heures du Mans 1994, entre autres). Après une session de découverte de la piste au volant d’une R8 V10 de série, vient le temps de passer au modèle de course. Plus basse, plus large, spectaculaire avec son énorme aileron arrière, l’auto impressionne. Par rapport au modèle « de base », si l’on ose écrire, le V10 passe de 520 à 560 ch, par le biais notamment de modifications électroniques, et le châssis voit ses points d’ancrage modifiés. Par ailleurs, l’ablation de la transmission intégrale et l’utilisation d’éléments de carrosserie en carbone contribuent à un net abaissement du poids : 1 350 kilos, contre 1 620.

DE VÉRITABLES BÊTES DE COURSE

L’accès à bord impose quelques contorsions, arceau oblige, tandis que l’habitacle ultra-dépouillé met immédiatement dans l’ambiance : fini de rire, on est dans la catégorie bête de course. Contact. Le V10 s’ébranle dans un grondement aigu. William : « Ça marche comme le modèle de série, tu changes les vitesses avec les palettes au volant. Attention, tu vas voir que la consistance de la pédale de frein est bien différente. » A noter aussi, une petite pédale d’embraye déportée sur la gauche et qui sert juste à enclencher la première. « Clonk », c’est parti. La sortie des stands s’effectue sans heurts (honte évitée, ouf !) , et on s’élance sur la piste désertée. Première, seconde, troisième… l’auto se laisse mener sans difficultés, et met quasi instantanément son « pilote » en confi ance. On peut donc se concentrer sur les instructions de notre coach de luxe : « Accélère… freine… relâche la pression… attention au point de corde… rétrograde… gaz ! » On s’exécute avec un plaisir que l’on devine total, c’est un vrai régal. Les tours s’enchaînent, le pied s’alourdit, on approche les 300 en bout de ligne droite, et pourtant nous sommes frappés par la facilité de conduite de l’auto, du moins à notre faible niveau. Je m’attendais à une direction de camion, elle est en fait aussi légère que précise. Nous redoutions des freinages impossibles à doser correctement, et c’est l’inverse. Paradoxalement, ce que l’on apprécie le plus dans cette auto, c’est sa facilité à nous mettre en confiance, et à se faire oublier. Bref, un monstre des plus civilisés, au bénéfi ce de l’efficacité. Mais l’on n’en attendait pas moins d’une Audi, fût-elle de course.

AD VITESSE AETERNAM

Si l’histoire de Tag Heuer s’est écrite au fi l des ans sous le sceau du sport, notamment automobile, la marque s’était abîmée dans les années. Depuis dix ans, elle a renoué avec son prestigieux passé en multipliant les innovations. Car sur le plan technique, Tag Heuer ne doit sa survie qu’aux brevets déposés par ses fondateurs, Edouard et Jack Heuer. L’esthétique maison a retrouvé ses fondamentaux, les nouveautés sont limitées, mais la recherche et développement est remise au coeur de la machine. Seuls sont conservés les modèles iconiques et rentables que Tag Heuer fait évoluer en en proposant des versions plus contemporaines. Petit à petit la montée en gamme est orchestrée, avec le remplacement des mouvements à quartz par des moteurs mécaniques, les seuls vraiment appréciés par les amateurs de haute horlogerie. Le nombre de boutiques est multiplié par 40 et Tag renoue avec une publicité prestigieuse à base de stars masculines identifi ables à son univers, comme plusieurs pilotes vedettes.

« DREAM TEAM » DE RÊVE

En cinquante ans, Tag Heuer a dû voir défi ler presque autant de stars qu’un tapis rouge aux Oscars. De Juan Manuel Fangio en 1955 à Leonardo DiCaprio en 2010, l’horloger suisse a eu le temps d’affûter sa technique d’approche et de séduction auprès des hommes les plus côtés de la planète. Une grande majorité de champions automobiles, terrain de jeu (et de gains) favori de la marque, mais aussi depuis peu deux grosses machines hollywoodiennes, Brad Pitt et Leonardo DiCaprio. Au milieu de tout cela, on retiendra les passages éclair mais remarqués de deux enfants de la balle, le golfeur Tiger Woods (avant son immolation médiatique) et le tennisman Boris Becker (superbement immortalisé par le photographe Anton Corbijn). Bref, que du très beau monde, à se demander ce qui peut bien les faire venir aussi nombreux ! Il faut dire que, dès la ligne de départ, Jack W. Heuer avait placé la barre très haut, avec l’association d’un prototype devenu mythique, baptisé « Carrera », à la plus dangereuse course automobile du monde, la Carrera Panamerica Mexico, courue dans le sang et la légende, de 1950 à 1954, par Juan Manuel Fangio entre autres. Ce qu’il portait au poignet relève de l’évidence. Vingt ans plus tard, il y aura Steve Mc- Queen (voir encadré page précédente). Dès lors, chaque montre aura son ambassadeur, et bien sûr chaque ambassadeur sa montre, on ne sait plus très bien d’ailleurs qui de la poule ou de l’oeuf… A Jo Siffert, l’imposante « Autavia », à Clay Regazzoni l’avantgardiste chronographe « Silverstone » en 1974, à Ayrton Senna l’élégante « Link Series » en 1988, qu’il portait d’ailleurs déjà avant que de passer sous contrat avec la marque. Depuis sa tragique disparition en 1994, Tiger Woods puis Juan Pablo Montoya ont pris le relais pour ce modèle. On a presque l’impression que c’est ici une question d’honneur que d’associer chaque produit à une personne. Chez Tag Heuer, il y a comme une relation viscérale, limite superstitieuse, à pratiquer l’animisme ! Allez demander à Alain Prost, Lewis Hamilton, Jenson Button (photo), ils vous répondront tous qu’entre Tag et eux c’est avant tout une affaire de coeur, au-delà d’une bonne affaire tout court. Une réputation au polish qui colle parfaitement aux valeurs de la maison suisse, et qu’elle ne se prive d’ailleurs pas d’entretenir, à coup de généreuses donations aux diverses organisations de ses poulains, pouvant s’élever à plusieurs millions de dollars par an. Que voulez-vous, une belle écurie a un prix.

DES MODÈLES MYTHIQUES RELIÉS À L’AUTOMOBILE

Parti à la conquête de l’horlogerie de luxe, Tag Heuer n’en marie pas moins « technologie et design, volumes importants et prix élevés », selon son président, Jean-Christophe Babin. Soit environ 700 000 montres par an, dont quelques modèles mythiques et prestigieux.

1. « MONACO »

UN MYTHE EN FORME

Lancé en version automatique avec le fameux calibre 11 très exactement le 3 mars 1969, ce chronographe au dessin de boîtier particulièrement identifi able a connu un succès retentissant après ses débuts au cinéma au poignet de Steve McQueen dans le film Le Mans, sorti en salle dans le courant de l’année 1972. Une première fois réédité en 1998 à 5 000 exemplaires, cet instrument connaît depuis lors un succès phénoménal et fait partie des montres contemporaines les plus collectionnées. Pratiquement introuvable en version d’époque, il s’arrache actuellement dans ses différentes déclinaisons récentes et millésimées. Modèle présenté : « Monaco Calibre 12 Bleu », 4 300 euros.

2. « SILVERSTONE »

LE GOÛT DES SEVENTIES

Initialement lancé en 1974 et adopté par les coureurs automobiles, ambassadeurs de la marque de l’époque, au nombre desquels figuraient Clay Regazzoni et Emerson Fittipaldi, le chronographe « Silverstone » alors animé par le Calibre 11 Chronomatic a rencontré un vif succès dans les milieux branchés. Longtemps disparu, Tag Heuer a présenté l’an passé à l’occasion du cent-cinquantenaire de la marque une réédition de nouvelle génération de cet instrument au « look » très seventies. Proposé en série limitée à 3 000 exemplaires sur bracelet alligator perforé, ce chrono a rencontré dès sa sortie un énorme succès. Modèle présenté : « Silverstone Calibre 11 », 5 800 euros.

3. « CARRERA »

PREMIERS TOURS DE ROUE

Référence dans le segment des chronographes sport-chic, le chronographe « Carrera » est né en 1964, sur les circuits de grands prix de la fabuleuse course. Créée à l’initiative de Jack W. Heuer, cette collection faisant la part belle aux dessins de boîtiers ronds plutôt classiques est aujourd’hui constituée de plusieurs gammes comprenant différents modèles visuellement comme mécaniquement proches des références originales mais également de pièces dotées de calibres d’exception comme le « Carrera Mikrograph » dont le mouvement mécanique à remontage automatique affi che une précision au 1/100e de seconde. Modèle présenté : « Carrera 1887 », 3 600 euros.

4. « MONZA »

CHAMPION DU MONDE

Le lien qui unit Tag Heuer à ce circuit remonte à septembre 1975, lorsque le pilote suisse Clay Regazzoni s’est emparé de la première place et son coéquipier Niki Lauda de la troisième, lui faisant pour l’occasion remporter le championnat du monde de Formule 1 à Ferrari dont Heuer était le chronométreur depuis 1971. Pour célébrer l’exploit, Jack W. Heuer revisite un modèle de forme « coussin » datant des années 30 et le baptise du nom du circuit. Réédité début 2000, il revient aujourd’hui avec au cadran le logo Heuer seul et s’équipe du fameux calibre 36 fourni par la manufacture Zenith. Puissant et apprécié, ce chrono, édité à seulement 1 911 exemplaires, incarne l’âge d’or du chronométrage et de la F1… Modèle présenté : « Monza Calibre 36 », 5 200 euros.

5. « LINK »

LE SPORT DANS LA PEAU

L’aventure de la collection « Link » a commencé en 1987 avec le lancement de la gamme S/el. Cette ligne dont le nom de baptême était la contraction de Sport et d’élégance a immédiatement séduit le public et le pilote brésilien de Formule 1 Ayrton Senna qui la porta durant trois championnats du monde consécutifs. Refondue en 1999 pour s’adapter aux goûts du marché alors en pleine mutation, la collection a alors pris le nom de « Link ». Aujourd’hui, après douze ans d’un indéfectible succès, la marque renoue avec cette série légèrement revisitée dont l’identité très marquée restera éternellement associée à l’univers de la Formule 1 et aux sports extrêmes en général. Modèle présenté : « New Link Chronographe », 2 950 euros.