Style Le 17/11/2016 par Felix Besson

Mathieu de Ménonville et Rémi de Laquintane nous parlent d’Editions M.R.

Tandem bohème à l’ADN germanopratin, Editions M.R. (ex-Melinda Gloss) sait user de ses charmes pour garder une place amplement méritée sur la scène masculine parisienne. Après 5 ans au service du mâle preppy de la Rive Gauche, le label s’encanaille et dévoile une nouvelle facette de sa personnalité : le Paris underground, littéraire et insolent. Un véritable circuit initiatique entre les ruelles de Saint-Germain-des-Prés, les brasseries de nuit et La Louisiane, hôtel chargé d’histoire au 60, rue de Seine. C’est dans la chambre n° 19 de ce dernier que le duo nous parle de la capitale, de sa vision de l’homme et du futur. Portrait croisé.

Par Félix Besson

 

1- Il se dit que vous avez changé Melinda Gloss en Editions M.R. à cause du marché américain…

Mathieu de Ménonville : Oui, c’est exactement le cas. Le nom Melinda Gloss est quand même doublement féminin, pas francophone, et détonne complètement avec ce que l’on crée.

Rémi de Laquintane : Le but était de brouiller les pistes. Mais beaucoup de personnes s’y sont trompées, comme ce client de la boutique du boulevard des Filles du Calvaire qui pensait, jusqu’à l’arrivée du nouveau nom, que nous vendions du prêt-à-porter femme. Deux ans après l’ouverture.

MdM : Aux États-Unis, c’était particulièrement marquant. Je me rappelle de notre premier business-trip aux US, où j’avais rencontré un grand rédacteur mode homme. Il nous a dit qu’il adorait la marque, mais que nous n’aurions aucune chance dans le pays avec un nom pareil. Et il n’avait pas complètement tort. L’américain un peu brut de décoffrage ne s’y retrouvera pas. Alors qu’à Paris, les contrastes sont plus tolérés.

RdL : Changer de nom était aussi une démarche pour réaffirmer notre identité. Éditions M.R., nos deux initiales, qui ensemble font référence au diminutif de monsieur. Quelque chose de très masculin. Et le « Éditions » pour le côté Saint-Germain-des-Prés, l’intellectuel de la Rive Gauche.

2- Quelle différence entre l’homme Melinda Gloss et l’homme Editions M.R. ?

MdM : La marque est la même, les clients n’ont pas changé. Avant d’opérer le changement de nom, c’était un grand évènement pour nous, mais cela s’est passé de manière très fluide. Autant en France qu’à l’étranger.

3- Qui est-il aujourd’hui ?

MdM : Le client fantasmé est très bien résumé dans notre dernière vidéo. La vie dans un hôtel un peu passé, à Saint-Germain-des-Prés. Un homme éduqué mais sulfureux par la même occasion, gainsbourgien sur les bords. Un peu d’insolence, de nonchalance, de culture. Il s’intéresse à la mode comme à une partie d’un univers global. C’est cela qui nous anime. Les clients qui se retrouvent dans cette vision du style ont plutôt entre 25 et 37 ans, autour de notre âge en fait. Ils ne sont pas trop formels, aiment le vêtement sans être une victime de la mode. L’amour des belles matières, par exemple.

RdL : Nos clients aiment beaucoup ce twist entre la belle pièce et le style du label en général. L’homme Editions M.R. est cultivé, mais aime aussi sortir le soir, il voyage, est cosmopolite. Il n’est pas cantonné à la Rive Gauche même s’il en a l’attitude, et passe beaucoup de temps Rive Droite.

4- Votre premier rapport à la création ?

MdM : Au milieu de nos études de Philo, nous nous sommes retrouvés par accident tous les deux à Shangaï, avec l’envie de créer une entité, de s’associer dans un projet.

RdL : La mode était quelque chose qui nous correspondait. Cela permettait d’avoir un côté créatif et un autre d’entrepreneuriat. On ne voulait pas simplement créer des vêtements, mais une image de marque, une plateforme multi-culturelle.

MdM : Du coup, lorsque nous sommes rentrés à Paris, nous avons ouvert un appartement store dans le 1er arrondissement, vers le Palais Royal. C’était aussi notre lieu de vie. On y recevait des clients, des amis, de manière très spontanée et décomplexée.

RdL : Ce moment là, en 2009, correspondait aussi à un certain vide dans ce positionnement de marque. Peu de labels homme étaient dans ce segment « créateur », tout le monde était soit luxe, soit mass-market. On a donc surfé sur cette vague naissante, et développé notre marque.

5- Les enjeux d’un jeune label aujourd’hui ?

MdM : Il y en a tellement que je ne sais pas par où commencer. Le plus important est que la marque vive : il faut s’éclater dans la création, mais les résultats commerciaux doivent suivre. Puis penser à l’expansion, au développement. Du fait de la taille titanesque et de la saturation du marché français, il faut savoir se démarquer des autres labels, mettre en avant ses atouts, ses différences.

6- Quel prochain(s) marché(s) visez-vous ?

MdM : Nous sommes assez forts au Japon et en Corée, Éditions M.R. y marche très bien. Et on espère que les États-Unis vont suivre. La conquête reprend, les choses avancent là-bas, mais nous sommes microscopiques sur un marché énorme. Il faudra le temps.

RdL : Nous sélectionnons bien nos points de vente, le choix est donc plus limité. À Paris nous travaillons avec Le Bon Marché, le Printemps de l’Homme.

7- Votre premier rapport avec le Louisiane ?

MdM : Nous sommes très habitués aux hôtels. Depuis Shangaï jusqu’à aujourd’hui. C’est sexy un hôtel.

RdL : Oui, et nous avons beaucoup voyagé, ceci expliquant cela.

MdM : Il y a un fantasme avec la vie à l’hôtel, qui est devenu une réalité lorsque nous avons transformé notre appartement en bureau. À l’époque, nous habitions un mois dans cet hôtel, dont un de nos amis était le manager, un mois autre part. Les tarifs étaient ridicules, c’était le parfait compromis, au beau milieu de Saint-Germain des Prés. J’ai vécu ici pendant un an et demi.

RdL : Certains jeunes écrivains et réalisateurs y habitent encore. Ils viennent pour écrire durant 3 ou 4 mois, partent aux États-Unis, reviennent. Un galeriste ruiné aussi, qui ne savait pas où se loger, loue une chambre de l’autre côté du couloir.

8- Vos prochains projets ?

MdM : Nous sommes en train de travailler une toute nouvelle mise en scène des produits avec l’Atelier Franck Durand. En terme de photographie, de visuels produits. On voulait quelque chose de moins sage.

RdL : À l’image de notre partenariat avec la galerie Au Bonheur du Jour, rue Chabanais, qui était l’une des maisons closes les plus connues de Paris. On y a mélangé des pièces Editions M.R. avec des photos érotiques des années 30.

Editions M.R., 9 Rue Madame, 75006 Paris, www.editionsmr.fr

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