Entertainment Le 29/10/2015 par Sebastien Nouet

Daniel Craig en couverture de L’Optimum de novembre

Après des années de recherches, nous y sommes : l’équipe du Lawrence Berkeley National Laboratory a mis au point une cape d’invisibilité parfaitement fonctionnelle. Composée de briques d’or invisibles à l’œil nu, elle a dérobé à la vue (du microscope) un petit objet hérissé de pointes. Si sa déclinaison à une échelle humaine n’est pas envisageable avant une dizaine d’années, ses applications excitent déjà l’imagination de l’industrie militaire, des cambrioleurs, et d’une manière générale des criminels. L’industrie cosmétique ne manquera pas d’affûter des créations antirides, soins des cicatrices, etc. Sans nul doute, les utilisateurs du site facilitateur d’infidélités Ashley Madison auraient bien aimé que leurs données bénéficient d’une telle protection. Au lieu de quoi, un bataillon de hackers les dispersent à tout vent. Et ce n’était que la manifestation la plus bénigne, disons, de la récente épidémie d’offensives contre la vie privée – ou contre ceux qui s’y intéressent de près, puisque leurs combats se croisent et se répondent. Snowden levant le voile sur les activités de la NSA, Julian Assange faisant voler en éclats la discrétion (relative, apparemment) des agissements gouvernementaux, flicages en règle des employés d’Amazon, révélés par le New York Times, publication des échanges privés des cadres de l’industrie du cinéma (dont ceux de Sony, responsable de la franchise Bond…), mise au grand jour des clichés privés de telle ou telle star : le monde 3.0 semble avoir trouvé un nouvel astre autour duquel se mettre en orbite, la planète Transparence. S’en approcher, s’en éloigner, la réclamer, la repousser. On s’en veut presque de mettre en lumière ce nouveau truisme du paradoxe contemporain : aspirer à la tranquillité, mais mettre continuellement en scène sa vie intime, tout déballer en jurant que toutes les précautions ont été prises pour protéger son exposition (Quand n’importe quel adolescent aux vagues prédispositions pour le code fait sauter toutes les barrières aussi facilement qu’un enfant démonte un Lego). Savoir que même les données sécurisées (telles celles des agences de renseignements) ne le sont pas, que les centres de stockage virtuel, censément blindés, sont aussi poreux qu’un nuage, devrait inciter, si ce n’est à la prudence, du moins au silence, au retrait, à l’invisibilité. Le 11-Septembre avait donné une cruelle leçon au monde de l’espionnage, qui s’appuyait sur le suivi technologique des terroristes présumés, faisant confiance aux satellites et aux traçages des communications plutôt qu’aux hommes, laissant de côté la psychologie et les contours de l’âme. La morale, cinglante, rappelait que les secrets ne sont jamais mieux gardés que lorsqu’ils ne laissent pas de traces. Si les laborantins de Berkeley ont probablement sué sang et eau sur leur découverte, et que tous les enfants se rêvant superhéros leur en savent gré, on jurerait que pour se rendre invisible, il suffirait, pour une fois, de se taire, et de garder précieusement pour soi ce qui nous appartient. Et si cette cape s’appelait la pudeur ?

Par Baptiste Piégay

cover-james-bond-optimum-2

 

Abonnez-vous ici.

Sur le même thème

Votre avis nous interesse