Entertainment Le 29/10/2015 par La rédaction

Tueurs à gages : combien ça coûte ?

Dans la vie, il arrive que l’on croise un bon paquet de fâcheux dont on rêve de se débarrasser. Mais comment ? Il était fatal que « L’Optimum » fasse figurer sur la liste de ses envies… un homme de main. Entre criminels professionnels, psychopathes sadiques et rigolos imprudents, le recrutement n’est pas chose aisée, même sur Internet. Surtout, il reste illégal !

Bruno Godard 

 

Traqué par la police ou pire par ses anciens clients, un tueur à gage n’a jamais la vie facile. Ce n’est pas Sean Penn qui dira le contraire. Dans Gunman, adapté du roman français, La Position du tireur couché, écrit en 1981 par Jean-Patrick Manchette, il incarne un ancien tueur obligé de sortir de sa retraite pour abattre ses ex-employeurs qui ont décidé de l’assassiner. Car la vie d’un tueur à gages se termine toujours de deux manières : dans une cellule ou dans un trou, au fond d’un bois, au cinéma comme dans la vraie vie. A ceci près que ces assassins sont bien différents dans le monde réel.

« Le tueur solitaire, que personne ne connaît et que l’on contacte par mail ou via des boîtes à lettres en poste restante est un mythe, explique un policier de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO). Le milieu utilise surtout des jeunes qui veulent grimper dans la hiérarchie et qui, ensuite, ne se salissent plus les mains. Quant aux particuliers, ils font appel à des voyous de seconde zone. En vingt-cinq ans de carrière, je n’ai jamais rencontré un tueur qui ressemblait au Alain Delon du Samouraï… »

Quatre profils identifiés

Alors, qui sont ces « vrais tueurs » ? S’ils ne ressemblent pas à ceux des polars, ils sont tout de même capables d’assassiner n’importe qui, uniquement pour l’argent. David Wilson, un chercheur de l’Institut de criminologie de l’université de Birmingham (Angleterre), est parvenu à dresser le portrait de ces meurtriers et à déterminer le prix moyen d’un contrat. En se plongeant dans les archives criminelles anglaises, il a identifié 35 tueurs à gages sur les trente-neuf dernières années. Pour obtenir leurs services, il fallait dépenser en moyenne 18 400 euros – une somme relativement modique quand on est très motivé à l’idée de se débarrasser d’un concurrent ou d’un conjoint volage.

En revanche, il y a de grandes disparités dans les différents contrats. Selon le professeur Wilson, l’homme de main le moins cher ne coûtait que 240 euros. Il faut dire qu’il n’avait que 15 ans et qu’à cet âge-là on est moins fort en négociation. Le meurtre le plus onéreux a été celui d’un vendeur de voitures, Robert Magill, qui aurait coûté 120 000 euros à ses commanditaires. Quant à la seule femme tueuse à gages identifiée, elle demandait 8 500 euros pour exécuter ses contrats, prouvant ainsi que le fléau de la disparité salariale sévit aussi dans le monde du crime.

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Dans cette étude décidément très complète, le tueur en série avait en moyenne 38 ans, avec un mode opératoire assez précis. « Le tueur à gages britannique a tendance à assassiner sa victime lorsque celle-ci promène son chien, attend son bus ou fait du shopping dans une zone commerciale de banlieue », explique le professeur Wilson. Les chercheurs ont identifié quatre profils. Tout d’abord le « novice », qui débute dans le crime par le sang, puis le « dilettante », un peu plus âgé. Ces deux types de tueurs à gages atterrissent assez vite dans les filets de la police et ne font pas une longue carrière. Décrits par les scientifiques comme fiables, les deux autres groupes ont toujours été prisés par les grandes familles mafieuses. « L’artisan » est expérimenté et sait tuer sans se faire prendre. Tout comme « l’expert », la fine fleur des tueurs à gages, qui a souvent une expérience militaire.

Dans les faits, on ne doit pas oublier non plus une autre catégorie, celle des « politiques », sans doute les plus anciens et les plus efficaces. Dans la Grèce antique et à Rome, déjà, les puissants utilisaient ces bras armés pour éliminer des rivaux. Le terme « tueurs à gages » viendrait tout droit du Moyen Age où l’on appelait « tueurs aux gages du Roy » les hommes de main employés par les monarques. Tout au long de l’histoire, les dirigeants de tous les pays ont eu à leur disposition des sbires qui avaient l’immense privilège de ne jamais être inquiétés par la police puisqu’ils agissaient pour le « bien du Prince ». Au XXe siècle, le Mossad, le KGB, la CIA et les services secrets de la plupart des pays ont compté dans leurs rangs des agents qui pouvaient être considérés comme des tueurs à gages. Des meurtriers qui n’entrent jamais dans les statistiques de la police car ils travaillent pour la face sombre des Etats…

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Pic à glace et tortures sanguinaires

Les dézingueurs qui n’ont pas la chance d’avoir leur « permis de tuer » à la James Bond alimentent souvent la chronique judiciaire. C’est le cas de Julio Balader, interpellé en février 2012 après avoir abattu une femme contre 80 000 euros. Tireur hors pair, il avait déjà eu affaire à la police après l’assassinat de Raymond Vaccarizi, un parrain du milieu lyonnais tué dans sa cellule par un snipper posté sur le toit d’un immeuble. Balader avait aussi été inquiété après le meurtre d’un autre parrain lyonnais, Georges Manoukian. Mais, dans ces deux affaires, il avait été acquitté, faute de preuves. C’est le genre d’homme de main dont la pègre raffole : des bourreaux qui abattent n’importe quelle cible, du moment qu’on leur donne une jolie enveloppe de cash. Et c’est bien entendu des Etats-Unis et d’Italie que viennent les plus mythiques d’entre eux, repérés tout au long du XXe siècle.

Ainsi, Abe Reles, surnommé Kid Twist, membre de la Yiddish Connection de Brooklyn, aurait assassiné, selon la légende, plus de 1 000 personnes dans les années 1930 et 1940. Il adorait planter un pic à glace dans le crâne de ses victimes. Un objet qu’utilisait avec sadisme Sam DeStefano, un tueur sanguinaire qui travaillait pour la mafia de Chicago et avait pour habitude de torturer ses victimes pour les faire parler en y prenant un réel plaisir. Il finit par recevoir deux balles dans la tête car il était sur le point de donner les membres de son clan.

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Salvatore Gravano, lui, travaillait de manière plus classique, avec un revolver. Arrêté par le FBI en 1990, il n’écopa que de cinq ans de prison pour 19 meurtres, grâce à son nouveau métier de « balance » pour les fédéraux. Thomas Pitera, surnommé « Thomas Karaté » en raison de sa passion pour les arts martiaux, fut le sicaire attitré de la famille Bonanno dans les années 1980. Soupçonné d’avoir assassiné plus de 60 personnes, il fut condamné à la prison à vie. Un vrai psychopathe qui ne détestait pas démembrer ses victimes post mortem, par pur plaisir. Une habitude que prenait aussi Roy DeMeo, homme de main de la famille Gambino durant cette même décennie, qui découpait ses victimes avant de les déposer dans des décharges. Après avoir abattu plus de 150 personnes, il fut lui-même assassiné, son parrain le suspectant d’être sur le point d’être recruté par le FBI.

Mais ce n’est rien à côté de Richard Kuklinski, tueur ultra-violent des années 1970 et 1980 qui filmait ses victimes en train de se faire dévorer par des rats. Ce colosse de 135 kilos pour 1,95 m, surnommé Ice Man car il ne détestait pas congeler ses victimes dans des frigos industriels, écrivit un livre, The Ice man : confessions d’un tueur de la mafia, avant de mourir de sa belle mort en 2006. Surnommé « l’égorgeur de chrétiens », l’Italien Giovanni Brusca était capable de torturer et d’assassiner dans des conditions épouvantables les enfants de membres de gangs rivaux. Assassin du juge Falcone en 1992, commandité par le parrain Toto Riina, il utilisa plus de 600 kilos d’explosifs dissimulés dans des tuyaux situés sous l’autoroute pour faire sauter le convoi du magistrat anti-mafia. Après avoir collaboré avec la police, il fut libéré en 2004. Un comble pour un homme suspecté de plus de 200 meurtres.

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Pour le commun des mortels, c’est-à-dire pour l’homme de la rue qui veut faire disparaître sa femme, ces tueurs implacables, très professionnels, sont inabordables. Il faut alors se rabattre sur la catégorie des tueurs à gages minables, la plus répandue selon les policiers. Aujourd’hui, ils peuvent se recruter sur Internet. Un site basé au Mexique, et démantelé par la police en 2013, mettait en relation clients et voyous qui opéraient dans le monde entier. Sur le Deep Web, en passant par le réseau Tor, il est aussi possible de trouver des « exécutants », pour la modique somme de 10 000 euros.

Des Pieds Nickelés vite pincés

Mais dans les faits, les tueurs à gages sont le plus souvent recrutés dans des bars mal famés et, bien entendu, cela finit presque toujours mal. « Les gens s’imaginent qu’ils vont engager un tueur de cinéma, précise le policier de l’Office central de lutte contre le crime organisé. Mais ce sont toujours des Pieds Nickelés qui commettent toutes les erreurs possibles et se font pincer très vite… » Un meurtre récent illustre à merveille ces crimes montés dans le plus grand amateurisme. Le 6 mai 2014, Hélène Pastor, sœur de Michel Pastor, le prince de l’immobilier monégasque, et Mohamed Darwich, son chauffeur, sont touchés par des tirs d’arme de chasse sur le parking de l’hôpital de Nice où la richissime femme d’affaires venait de rendre visite à son fils. La famille Pastor, dont l’empire immobilier pèse entre 18 et 20 milliards d’euros, est aussi puissante que discrète sur le Rocher. Mafia russe, services spéciaux : tout le monde cherche des coupables dans cette affaire hors norme. Sauf que très vite, les policiers se doutent que le contrat n’est pas l’œuvre de professionnels. « Le vrai tueur ne laisse aucune chance à ses victimes, poursuit le policier. Les tirs manquaient de précision, et surtout l’arme employée n’était pas adaptée à la situation. Or, un vrai pro a toujours les bons outils… »

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Quelques jours plus tard, Hélène Pastor et son chauffeur vont tout de même mourir de leurs blessures, mais les enquêteurs ont déjà abandonné la piste de la mafia russe qui ne blesse jamais. Elle, elle tue. Et pas sur un parking peuplé de dizaines de témoins, de caméras de surveillance et en utilisant deux tueurs qui font le trajet en taxi de Marseille pour la somme de 500 euros, comme le découvrent très vite les enquêteurs. Les deux hommes sont rapidement identifiés et leurs portables géolocalisés : ce sont deux petites frappes des quartiers nord de Marseille, sans grande envergure. Le 23 juin, la police les interpelle, ainsi qu’une vingtaine de personnes, dont la propre fille de la milliardaire et son gendre, un certain Wojciech Janowski, consul honoraire de Pologne à Monaco. La police a déjà repéré des flux financiers étranges sur les comptes de ce play-boy sur le retour.

Depuis quelques mois, l’homme est aux abois financièrement, malgré les 500 000 euros de rente annuelle que sa belle-mère versait à sa compagne. Alors, il aurait décidé de demander à Paul Dauriac, son coach sportif, d’organiser le meurtre pour capter l’énorme héritage, en lui versant 150 000 euros en cash. Ce dernier en aurait gardé 50 000 et aurait pris contact avec les deux délinquants marseillais à qui il aurait donné 100 000 euros pour exécuter le contrat, avec le piètre résultat que l’on sait. « Quand on voit le profil du recruteur et des tueurs, on peut affirmer sans risque que le commanditaire était sûr de se faire prendre, précise le policier. C’est même un cas d’école tant l’amateurisme régnait à tous les niveaux. Si tout cela n’avait pas provoqué la mort de deux personnes, on pourrait même en rire… » Les deux meurtriers présumés de l’héritière étaient bien ce que le milieu appelle des « baltringues », et, après quelques années à l’ombre, ils pourront changer de vie. Les vrais tueurs à gages, eux, n’ont que très rarement cette chance. Jim Terrier, le tueur incarné par Sean Penn, voulait simplement raccrocher. Mais quand on a exécuté des contrats, on ne peut jamais faire valoir ses droits à la retraite. La vie d’un tueur à gages n’est jamais simple… 


Les syndiqués du crime

 

Ils ont travaillé dans la joie pour la mafia

Sam DEStefano
Ce gangster sociopathe aimait d’abord torturer. Tué par un mafieux en 1973. 

THOMAS PITERA, alias thomas karaté
Ceinture noire habile en armes blanches, il préférait séparer les têtes des corps pour compliquer les identifications. Condamné à la prison à vie en 1992. 

ROY DEMEO
Serviteur de la famille Gambino. Adepte du démembrement. Liquidé sur les ordres de son parrain en 1983.

Abe Reles, alias kid twist
Il maniait le pic à glace avec dextérité, aurait décimé plus de 1 000 personnes entre 1930 et 1940. Membre redouté du Syndicat du crime. « Défenestré » en 1941. 

RICHARD KUKLINSKI
Il filmait ses victimes en train de se faire dévorer par des rats. Mort dans son lit en 2006. 

JULIO BALADER
Tireur hors pair. Très apprécié de la pègre. Interpellé en 2012. 

SALVATORE GRAVANO
Balance protégée par la police, il purge… une peine de vingt ans de prison pour trafic d’ecstasy. Rendez-vous en 2019. 


Tueurs en salles

 

Le Samouraï1967. 

Pulp Fiction1994. 

Ghost Dog1999. 

Gunman2015. 

Alain Delon, le Jeff Costello du Samouraï, de Jean-Pierre Melville, a beaucoup fait pour alimenter le fantasme du tueur à gages solitaire et taiseux. Forest Whitaker en jouera
un bien plus hip-hop, dans Ghost Dog,la voie du samouraï, un genre de remake du film de Melville par Jim Jarmush. Sous l’œil de Quentin Tarantino, le tueur n’est plus seul. Les flingueurs bavards de Pulp Fiction, interprétés par Samuel L. Jackson et John Travolta, ne travaillent qu’en binôme et versent dans un burlesque qui n’empêche pas l’hémoglobine de couler. Même les frères Coen, avec No Country for Old Men, ont œuvré pour le culte du dézingueur à sang froid. Leur personnage, incarné par un Javier Bardem à la coupe de cheveux aussi effrayante que ses fusils à canon scié, était tout simplement impitoyable. En France, Luc Besson a largement puisé dans le thème, sauf que son premier tueur pro est… une femme : la sexy Anne Parillaud, au service de l’Etat dans Nikita.Un film où l’on peut croiser Jean Reno, aka Victor le nettoyeur. Il deviendra l’emblématique Léon, un exécutant analphabète de la mafia new-yorkaise qui apprendra le métier à la jeune et troublante Natalie Portman.


Les tueurs à gage en chiffres:

 

14 ans: âge du plus jeune tueur à gages arrêté au Mexique en 2010

18 400€ : prix moyen d’un contrat en Angleterre sur les trente dernières années

350 000 € : gains de Gérald Gallant, Québécois « auteur » de 28 assassinats, entre 1978 et 2003

5 000 € : somme demandée en 2013 par un réseau kosovar sur le Net pour exécuter des contrats


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