Sport Le 25/05/2016 par Felix Besson

L’Euro 2016 en couverture de l’Optimum de juin

Alors, Euro ?
Par Baptiste Piégay

Déchirés entre euphorie et inquiétudes, voilà où nous en sommes alors que les trompettes sont astiquées et les peaux de tambour tendues en vue de la cérémonie d’ouverture.

La joie simple de l’amateur de football et la crainte de la voir assombrie par les inévitables clichés que le contempteur de ces petits plaisirs ne manquera pas de thermocoller sur le moindre match jouent au bras de fer.

Déjà nous n’en pouvons plus et les crampes nous gagnent : l’idéal serait de ne lire que les pages dédiées au football, de n’écouter que les comptes rendus des rencontres, et d’ignorer absolument tout ce qui sera dit et écrit en périphérie des 4 590 minutes promises.

Incroyable comme ceux qui professent leur détes- tation absolue du ballon rond, et leur mépris pour ses joueurs, consacrent un temps extraordinaire à cultiver leur dégoût. On les plaint sans com- prendre : voit-on jamais quelqu’un détester les brocolis mais s’alimenter exclusivement de leurs fleurs ?

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Incroyable, aussi, comme le football semble proposer une psychanalyse à ciel ouvert à tous les désarçonnés, pour reprendre la belle expres- sion de Pascal Quignard qui désigne ceux que diverses péripéties émotionnelles ont jetés à terre. Le footballeur, tel l’analyste, permet des transferts inattendus pour désirs et exécrations.

À notre tour, nous pourrions voir bien des signes dans cette agitation intellectuelle discursive d’une société de penseurs à l’arrêt – faut-il avoir la réflexion bien stérile pour faire de l’attitude de onze sportifs le symbole de notre décadence, de leur nouvelle caisse ou du mouvement de leurs lèvres la grille de lecture du pays.

On rétorquera que depuis Camus, au moins, le football fait office d’enjeu moral, mais un excès de vitesse ou un choix vestimentaire n’intégraient guère son logiciel.

Un mois durant, il est à craindre que le temps et la réflexion suspendent leur vol, et que nous, pris dans le tambour de la machine à laver les méninges, nous en sortions lessivés, rincés, esso- rés. Il n’y a pas de bonheur aussi doux que celui d’être pris en charge par le calendrier, ballotté comme un fétu de paille par le sac et ressac des diffusions, avant d’être abandonné sur le rivage… quelques minutes après que le coup de sifflet final de la dernière rencontre nous tire par la manche pour nous ramener au monde réel.

Le football sera ainsi toujours un peu plus grand que nous et que les personnalités qui l’incarnent, plus ou moins longuement : aussitôt Andrea Pirlo, Paul Gascoigne ou Zinedine Zidane prennent-ils leur retraite que nous proclamons : le roi est mort, vive le roi. Si le supporter n’adhérait pas à cette conviction, sa passion s’éteindrait avec ses idoles et il n’aurait plus rien ni personne à soutenir.

Que les moralistes en prennent de la graine : le football ne sera jamais moins qu’un éloge du temps – infini – et du collectif – autorité suprême.

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