Style Le 28/04/2016 par Felix Besson

Lionel Giraud nous parle du nouveau Vuarnet

Relever de terre l’une des plus grosses institutions françaises ? Délicat. C’est pourtant le pari que s’est lancé le successful entrepreneur Lionel Giraud, en prenant ses fonctions de CEO de la maison Vuarnet. Combinant savoir-faire, technique et avant-garde, le label français reprend son envol et est bien décidé à récupérer sa place d’incontournable du marché de l’optique. Portrait chiffré du PDG en phase de ressusciter le mythe du made in France.

Par Félix Besson

 

C’est en plein Paris que les affiches du dernier James Bond, Spectre, ont recouvert les encarts publicitaires plusieurs semaines durant. Daniel Craig, regard au loin sur le haut d’une cime enneigée, porte fièrement sa paire de Vuarnet. Hasard ? Non, bien sûr. Pourtant, ce n’est pas à coups de chèques au montant faramineux que la lunette Glacier s’est retrouvée sur le nez du plus célèbre des agents secrets britanniques, mais bien grâce à une réputation. Véritable icône de la lunetterie française, le label fait son retour par le devant de la scène : nouveau PDG, nouveau positionnement, nouvelle égérie et nouvelle stratégie commerciale.

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Fondée en 1957 par un opticien bien de chez nous, la marque prend son nom définitif après la victoire de Jean Vuarnet aux JO de 1960, équipé de lunettes Vuarnet bien entendu. Plébiscités par les plus jeunes, adulés par la communauté internationale, les verres made in France et montures sont aujourd’hui synonymes de qualité, d’esthétique un peu moins. C’est le défi que s’est lancé Lionel Giraud en reprenant le flambeau il y a de cela un an, planchant sur une stratégie glamour, efficace et durable. Entretien avec un visionnaire des chiffres qui mise tout sur l’héritage d’un poids lourd français.

Où en était la marque avant votre arrivée?

Après son explosion dans les années 90-95, la marque a connu 10 années un peu difficiles. Appartenant à un groupe, revendue à un autre. Depuis 3 ans, elle appartient à Néo Capital, fonds avec lequel je suis associé, qui a revendu plusieurs labels qu’ils possédaient pour racheter Vuarnet, et envisager le relancement. Il y a un an, Néo Capital a racheté l’ensemble de l’activité, licenses comprises, ont réuni la marque et cherché une nouvelle équipe pour réactiver un nom réuni pour la première fois depuis 25 ans.

Et aujourd’hui?

Vuarnet c’est d’abord une manufacture. Ce qui fait notre force, parfois notre faiblesse peut-être, est la manufacture que nous avons à 30km de Paris dans laquelle sont fabriqués tous nos verres. Nous n’achetons pas de verres en plastique, nous fabriquons seulement des verres minéraux. Il faut savoir que 95% du business global des solaires repose sur du verre en plastique. Nous fabriquons les montures chez d’autres fabriquants français, parfois en Italie, mais la majorité reste made in France.

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Vuarnet, c’est aussi un savoir-faire. Mon envie dans un futur proche est bien sûr de produire les verres pour notre marque, mais aussi pour d’autres labels, en vendant seulement le verre Vuarnet avec son poinçon. Notre présence commerciale en France est également à revoir. Nous amorcerons une offre plus premium, qualitative, avec des boutiques plus mode. On a rouvert chez l’Eclaireur, colette, on va rouvrir au Printemps. Nous pensons aussi aux opticiens, mais sur un segment plus haut de gamme, avec un gros travail sur la création. Nos verres sont plébiscités, mais il reste le design des montures à améliorer, à rendre plus contemporain. On a la chance d’avoir des modèles initiaux chargés d’histoire, il s’agit de les adapter aux tendances d’aujourd’hui.
Le gros point commercial est également la réouverture de notre filiale aux Etats-Unis, où la marque était sortie du marché il y a quelques années. En un an, on obtient déjà plus d’un million de dollars de chiffre d’affaire, et les distributeurs sont unanimes : « Vuarnet is back ».

Quels sont les challenges à venir?

Tout d’abord, nous devons replacer la marque en la faisant monter en gamme, et garder ce crédo « élégance active » qui a fait notre renommée. Il faudra également faire un focus sur notre histoire, et redonner au client l’envie et le désir d’acheter des lunettes Vuarnet. D’où la nouvelle campagne avec Vincent Cassel comme égérie masculine. Il est viril mais a une élégance très française, active mais intemporelle, un peu comme la marque au final.

Quel est votre plus gros marché?

Aujourd’hui c’est la France. Mais à la fin de l’année, ce seront les Etats-Unis.

Le rapport entre Vuarnet et le monde du cinéma fait-il partie du nouveau business-model? 

Trop longtemps, les personnes travaillant pour Vuarnet se sont mis dans la tête qu’ils vendaient du quasi-médical. Je préfère dire que les clients ont l’assurance d’avoir les meilleurs verres, en plus d’un peu de glamour dû aux égéries Vuarnet du septième art. Cela fait entièrement partie du repositionnement de la marque, le produit en lui-même ne suffit plus pour créer de la communication. Notre égérie, Vincent Cassel, connaissait déjà la marque avant d’accepter et raconte l’histoire de manière assez logique. Il en va de même pour beaucoup de générations qui les ont portées.

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Quelle est la cible aujourd’hui? 

J’essaye d’élargir la cible, notamment grâce à l’apparition de Vincent Cassel. Il a 50 ans, ma génération le connaît, les femmes l’adulent. En discutant avec des gens plus jeunes, j’ai compris qu’il avait la même notoriété dans cette tranche d’âge inférieure grâce à ses rôles récents, dans les films de Maiwenn, de Jason Bourne. Il parle à des personnes de 25 ans, autant en Europe qu’aux US.

Quelle est votre position vis-à-vis du e-business? 

Lorsque je suis arrivé, le site de e-commerce ne fonctionnait pas. Je l’ai donc fermé pour créer une page simple, axée sur la communication, sans espace de vente. Aujourd’hui, nous sommes en pleine refonte du site web, qui sera en ligne dans un mois et demi : une plateforme e-commerce pour la France, sans être trop pushy ni trop agressif. Mais notre volume de vente est mois important sur le digital qu’en points de vente physiques. Avoir un site de e-commerce reste néanmoins une marque de politesse pour un client. Ne pas pouvoir acheter, c’est frustrant.

Où en êtes-vous en terme de développement?

Nous ouvrons donc notre filiale aux US. Dans un premier temps, je me concentrerai sur l’Europe, le Moyen-Orient. D’ici deux ans nous ferons l’Asie. Je pense qu’il est un peu tôt au jour d’aujourd’hui. Il y a certes quelques points de vente mais pas de quoi dire que nous avons « ouvert » l’Asie. En somme, nous avons un développement plutôt sage, maîtrisé.

Comptez-vous entamer des collaborations?

Cette année, nous collaborons avec le label new-yorkais Rag & Bone. Ils sont venus eux-mêmes nous chercher, nous dévoilerons la collection en fin d’année.


La légende Vuarnet en 10 chiffres :

7 : le nombre d’artistes abonnés aux blockbusters qui ne jur(ai)ent que par Vuarnet. Alain Delon dans La Piscine, Daniel Craig dans Spectre, Jeff Bridges dans The Big Lebowski, Mick Jagger, Jake Gyllenhaal dans Everest, Matthias Schonaerts dans A Bigger Splash, et bien sûr Vincent Cassel.

800 : le nombre de points de vente en France, opticiens et boutiques confondus.

50 : les effectifs de la marque au sein de l’Hexagone.

28 : le nombre de modèles proposés par la marque

100.000 : le nombre prévisionnel de paires vendues en 2016.

200 € : le prix moyen d’une paire de Vuarnet

8.261.288 € : le chiffre d’affaire de la marque en 2008, soit juste avant son rachat par Alain Mikli International

1 million de $: le chiffre d’affaire réalisé en un an par la marque à son retour sur le marché américain, en 2015.

0 € : le montant payé par Vuarnet pour apparaître dans le dernier James Bond. La classe.

60% : la part du business optique détenue par Ray-Ban. Vuarnet devra donc se confronter au géant américain.

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