Goût du jour Le 25/01/2017 par La rédaction

Dans le frigo des chefs

Les cuisiniers, c’est un peu comme nos enseignants lorsque nous étions enfants : on était toujours surpris de les croiser ailleurs qu’à l’école. Et pourtant, chez eux aussi ils cuisinent… Ils nous ont ouvert la porte, et celle de leur réfrigérateur. Il dit quelque chose de leur vie – jamais à la maison, toujours aux fourneaux –, et des fondamentaux de leur métier : la technique, la passion, l’instinct, l’improvisation.

Par Sébastien Demorand

Jean-François Piège

Dans sa glacière (ci-dessus)

Une bouteille de Puligny-Montrachet Les Combettes, 1998, domaine Jacques Prieur. Quatre Fjord, « le meilleur des yaourts, je le bois comme du petit lait, avec un peu de sucre encore craquant ». Un pot de Savora, « aujourd’hui, c’est ce que je préfère, avec ce velouté, ces notes acides, parfumées ». Un bocal de charpie de jarret de porc au foie gras, quelques tiges de persil plat, de ciboulette, de menthe. Une gousse d’ail rose de Lautrec, une entrecôte de Bavière, « c’est celle que j’aime, mais évidemment faites confiance à votre boucher ».

Dans sa tête

« En temps normal, mon frigo ressemble exactement à cette glacière : à peu près vide, avec juste un peu de comté, de la maya, de la pâte de coings, du Tabasco et du jambon – des choses que l’on peut manger vite, sans passer trois heures en cuisine. Du bœuf avec du fromage fondu dessus, ça me va très bien…Vous n’avez jamais essayé ? »

Dans ses casseroles

« Faites chauffer la poêle, chanter le beurre et mettez une gousse d’ail éclatée dedans. Salez l’entrecôte d’un seul côté, celui que vous poêlerez en premier, vous ajouterez le sel de l’autre côté en la retournant. Quand elle est cuite (moi j’aime bien un poil trop cuit, entre saignant et à point), sortez-la, enlevez un peu de matière grasse, et déglacez au vinaigre balsamique. Ajoutez ensuite une cuillère de Savora, mélangez un peu, puis saupoudrez d’herbes hachées au dernier moment. Et ne faites surtout pas bouillir ! »

Jean-François Piège, chef du Restaurant Jean-François Piège au Thoumieux, deux étoiles. 79, rue Saint-Dominique, Paris VIIe.


Marc Veyrat

Dans son frigo

Frigo-3

Un kilo de potiron. Deux truffes noires, « je n’en ai pas goûté avant l’âge de 30 ans, on n’avait pas les moyens ». Trois kilos de topinambours, « mon père, qui a connu la guerre, me disait “ne donne pas ça à tes clients, ils n’en voudront pas !” » Deux paquets de beurre, « je m’en fous, on n’a pas besoin de beurre pour cuisiner ». Un litre de crème liquide, « deux fois moins calorique que le beurre ». Des yaourts à la myrtille, « faits maison, tous les jours ».

De la crème à la moutarde à tartiner pour sandwichs, « j’ai mis ça au point pour un groupe agro-alimentaire suisse, c’est 100 % naturel ». Une bouteille de roussette, domaine du Pasquier 2000, « c’est le premier blanc que mon père m’a offert, le jour de mon mariage ».

Des coings, « ma mère les ramassait pour en faire une confiture exceptionnelle, avec des pommes sauvages du pays ». Un morceau de bœuf d’Abondance, « une fois par an, à Noël, il faut en manger ». Une cagette de girolles.   

Dans sa tête

« C’est vrai, j’ai fait le ménage avant que vous arriviez : j’ai enlevé une salade, des œufs. Mais ce frigo, c’est celui que j’aime, celui de la cuisine de tous les jours, familiale, populaire, qui appelle les invités, les amis. J’ai un ami qui dit toujours : “Montre-moi ton frigo, je te dirai qui tu es.” Quand on ouvre un frigo, il faut que les produits te tombent sur les pieds : il faut toujours attendre quelqu’un. »

Dans ses casseroles

« Pelez et coupez les topinambours et le potiron, faites-les transpirer dans une casserole, sans rien, pendant 10 mn. Recouvrez d’eau et faites cuire à couvert pendant 20 mn, avec une bonne ébullition. Mixez et gardez au bain-marie. Coupez une poignée de girolles en dés, sautez-les avec une pointe d’ail, puis laissez refroidir. Montez la crème en chantilly, mélangez avec les girolles, mettez-en une cuillère à soupe dans l’assiette de soupe chaude, avec ciboulette, menthe hachées et dix lamelles de truffe. C’est magnifique. »

Marc Veyrat, chef de La Maison des bois. Col de la Croix-Fry, 74230 Manigod.


Pascal Barbot

Dans son frigo

Frigo-4

Trois yaourts nature, « avec du gingembre confit, c’est exceptionnel ! ». Des kumquats de Nice dans une boîte à œufs, une bouteille de sauce soja chinoise, un mortier « au frais, peut-être par hygiène », un citron de Nice, huile d’olives taggiasca, un pot de mostarda di uva, « du moût de raisin très mixé, pour les gibiers », confiture groseille-cassis, des carottes, un pot de pâte de yuzu pimenté.

Dans sa tête

« Je ne fais pas plus de deux repas par semaine à la maison. Dans mon frigo, du coup, il n’y a que des trucs de longue conservation, des condiments : toujours de la gelée de piment d’Espelette, des citrons confits, de la pâte de noisette bio, sans oublier de l’eau et des jus. Il y a aussi de l’huile d’avocat, de l’avocat mixé passé au filtre à café. C’est top sur une banane, comme au Chili. »

Dans ses casseroles

« Des carottes râpées, j’adore ça, c’est très simple et ce qui est amusant, c’est de multiplier les assaisonnements. Le premier : jus de citron, huile d’olive et pâte de yuzu, disponible en épicerie japonaise, un peu de fleur de sel et un rien de sauce soja. Le deuxième : zestes de citrons confits, huile de noisette, raisins de Corinthe gonflés, cumin, menthe ou coriandre fraîche, et vinaigre balsamique blanc. »

Pascal Barbot, chef de l’Astrance, trois étoiles. 4, rue Beethoven, Paris XVIe.


Nicolas Magie

Dans son frigo

Frigo-2

Une bouteille de sauce soja Kikkoman, « la meilleure », un camembert « daubé », une bouteille de rosé de Nouvelle-Zélande, « bon, mais ouvert depuis trop longtemps », un magret de canard, « cuit sur la plancha, pour les enfants », des feuilles de kombava de la Réunion, « bien dans un court-bouillon pour un poisson », des Kinder Country , « je vous jure que je n’en mange jamais », un paquet de nouilles chinoise, un paquet de filets de porc fermier, un moulin à poivre cinq saveurs, « pour les épices, ni lumière ni chaleur », un bouteille de Patxaran basque, deux pots de crème fraîche, deux paquets de beurre doux à la fleur de sel de Noirmoutier.

Dans sa tête

« Je ne m’occupe jamais de mon frigo, je ne supporte pas d’aller au supermarché. Je fais le marché le dimanche matin et à midi on a déjà mangé tout ce que j’ai acheté ! Ce dont j’ai besoin, c’est d’un peu de fleur de sel et de sauce soja. Basta. J’aime bien faire des conserves de sardines, on vient d’en avaler quatre pots ! »

Dans ses casseroles

« On va poêler à l’huile d’arachide les filets de porc, trois minutes de chaque côté. Déglacez la poêle avec un peu d’eau, grattez bien les sucs, incorporez une noix de beurre. Quand le mélange est couleur noisette, re-déglacez à la sauce soja, puis ajoutez quelques feuilles de kombava ciselées, un peu de sucre, du poivre et une touche de beurre frais. Emincez les filets de porc, puis mélangez les avec le jus de cuisson et des nouilles chinoises que vous aurez fait sauter quelques instants à l’huile d’olive. Crousti-fondant, non ? »

Nicolas Magie, chef du Saint-James Bouliac, une étoile. 3, place Camille-Hostein, 33270 Bouliac.


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