Entertainment Le 03/10/2016 par Felix Besson

Un robot en couverture de l’Optimum d’octobre

Objets inanimés…

Par Baptiste Piégay

 

La roue, dont les premières apparitions sont signalées vers 3 500 avant notre ère, attendait depuis environ 5000 ans que Papin (l’ingénieur, pas le footballeur) mette au point la première machine à combustion externe pour s’épanouir tout à fait. Elle trouva sans doute le temps long, Belle au bois dormant sauvée par l’inventeur et ses successeurs, de Pacinotti à Diesel et Beau de Rochas. Une roue, c’était bien, mais encouragée par la propulsion, c’est bien mieux. Griserie de la vitesse, folie de la conquête des espaces aériens, ronrons de la F1 à l’aube, dérapage sur le gravier, bref : les joies du moteur n’attendaient que cette union pour pourrir la vie à ceux qui ont en horreur ces plaisirs même pas coupables. Les joies du moteur et les tricoteurs de formules surgelées étaient ainsi de la noce : mettre un tigre (dans le moteur), rouler (des mécaniques),  bénéficier (d’un piston), faire le coup (de la panne). Une telle association – de la mécanique et du lexique – était naturelle : la métaphore ne désigne-t-elle pas, du grec métaphorà, le transport ?

Il ne s’agit pas seulement de changer de décor, mais d’aérer son imaginaire, de lui montrer qu’il existe d’autres horizons à contempler. Sous le cambouis, la plage, la montagne, les nuages… Avec l’avantage de présenter un taux d’émission de CO2 nul.

La réinvention du moteur, la réflexion sur le conducteur, presque superflu désormais, prolongent d’autres étapes de la révolution industrielle : lorsque les ouvriers et les artisans étaient remplacés par des machines, le mouvement luddite tenta, avec le succès que l’on sait, de renverser leur avènement. Certains sites de montage de l’industrie du textile, à l’image de celui qu’Adidas s’apprête à implanter en Allemagne, sont désormais entièrement robotisés. Le progrès – même cannibale – ne connaît ni les sens interdits, ni les feux rouges.

La machine, inspirant aussi bien la science-fiction que la musique, tissant (si l’on ose dire) un fil rouge parmi les plus solides que l’on connaisse, de Papin (l’inventeur susmentionné, pas le buteur) à Kraftwerk et Paul Verhoeven, après avoir investi le quotidien (truisme) semble inspirer à ses géniteurs quelques frissons : Google planche sur un bouton « arrêt d’urgence » pour ses créations robotiques. Que cette démarche intervienne tardivement dans leur réflexion laisse songeur. Les petits génies de la Silicon Valley redoutent-t-ils soudainement qu’un Spartacus sommeille dans leurs ateliers ?

À moins que la lecture repoussée hier (on ne peut rejoindre le haut du classement Forbes et gâcher ses nuits à lire, n’est-ce pas ?) du Christine de Stephen King n’ait aujourd’hui nourri quelques cauchemars. Bientôt, une nouvelle controverse de Valladolid viendra enflammer les réseaux sociaux : les machines ont-elles une âme ? Le sentimentalisme fait l’espérer; la raison préférerait, et de loin, qu’elles en ignorent tout.

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